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26/02/2012

Mathieu Bénézet, Ode à la poésie

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[...]

ô mots de naguère de quelques vocables espacés un grand

blanc dilacérait ma voix asphyxiée dans l'appartement endormi

par cent fois j'écrivis j'écrivis les mêmes mots ah balcon

 

d'où je jetai mes livres à la rue ô enfant qui me les rapportas

au cœur et aux mains me tendis le viatique de ma prose

de tout cela ne demeure que la barque d'y songer seul

 

rêve à ma vie ajoutée et cela maintenant que dix ans ont

passé qui à nouveau réunit en un don le plus haut ce qui

s'effondra ô pardon qui me fut octroyé par un ciel d'enfant

 

mais ce qui souffre l'enfance le connaît quand on longe trop

longuement les fleuves ce qui de l'adieu teint de sombre

les lèvres l'enfance le connaît et ne demande pas

 

une question plus au-dedans de l'homme et de la femme

elle connaît leur souffrance à quoi elle se blesse ce qui d'elle

ne survivra pas au fracas où l'homme et la femme appellent

 

vois je mets à nu mon chant où respire une morte ô

Gérard qui me fiança avec l'ombre et les lilas défleuris

je puis bien vivre aujourd'hui du long abandon des mains

 

d'une femme je puis bien vivre avec ce que me retirent les mots

et les cris mes papiers couronnés de taches de vin lilas

dans une cuisine exiguë où s'entassent et l'enfant et l'abîme

 

je puis bien vivre pauvre sang noir comme on marche dans le passé

parlant d'une chose ou d'une autre d'une tête fleurie de lumière

[...]

 

Mathieu Bénézet, Ode à la poésie (janvier 1984-janvier 1987),

William Blake & C°,1992, p. 47-48.

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