20/12/2011
Henti Michaux, Moments, Traversées du temps
Sur des lignes tracées sans but sur le papier ; sur des pages de
lignes.
Ennoblie par une trace d'encre, une ligne fine, une ligne, ou plus rien ne pue
Pas pour expliquer, pas pour exposer, pas en terrasses, pas monumentalement
Plutôt comme par le Monde il y a des anfractuosités, des sinuosités, comme il y a des chiens errants
une ligne, une ligne, plus ou moins une ligne...
En fragments, en commencements, prise de court, une ligne, une ligne...
... une légion de lignes
Alevins de l'eau nouvelle d'un sentiment qui point, parle, rit, ravit ou qui déjà par moments poignarde
Échappées des prisons reçues en héritage, venues non pour définir, mais pour indéfinir, pour passer le râteau sur, pour reprendre l'école buissonnière, lignes, de-ci de-là, lignes,
Dévalantes, zigzagantes, plongeantes pour rêveusement, pour distraitement, pour multiplement... en désirs qui s'étirent, qui délivrent.
Débris sans escorte, le réel déminé,
Souris du souvenir indéfiniment se profilant à 'horizon de la page,
ou bien tracés légers d'avenir incertain.
D'aucune langue, l'écriture —
sans appartenance, sans filiation
Lignes, seulement lignes.
Henri Michaux, Moments, Traversées du temps, "Le Point du jour", Gallimard, 1973, p. 29-31.
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