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03/01/2024

Jacques Dupin, Chansons troglodytes

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 Romance aveugle

 

Je suis perdu dans le bois

dans la voix d’une étrangère

scabreuse et cassée comme si

une aiguille perçant la langue

habitait le cri perdu

 

coupe claire des images

musique en dessous déchirée

dans un emmêlement de sources

et de ronces tronçonnées

comme si j’étais sans voix

 

c’en est fait de la rivière

c’en est fini du sous-bois

les images sont recluses

sur le point de se détruire

avant de regagner sans hâte

 

la sauvagerie de la gorge

et les précipices du ciel

le caméléon nuptial

se détache de la question

 

c’en est fini de la rivière

c’en est fait de la chanson

 

l’écriture se désagrège

éclipse des feuilles d’angle

le rapt et le creusement

dont s’allège sur la langue

la profanation circulaire

 

d’un bout de bête blessée

la romance aveugle crie loin

 

que saisir d’elle à fleur et cendre

et dans l’approche de la peau

et qui le pourrait au bord

de l’horreur indifférenciée

[...] 

Jacques Dupin, Romance aveugle, dans

Chansons troglodytes, Fata Morgana,

1989, p. 21-23.

28/12/2022

Jacques Dupin, Chansons troglodytes

 

            Romance aveugle

 

Je suis perdu dans le bois

dans la voix d’une étrangère

scabreuse et cassée comme si

une aiguille perçant la langue

habitait le cri perdu

 

coupe claire des images

musique en dessous déchirée

dans un emmêlement de sources

et de ronces tronçonnées

comme si j’étais sans voix

 

c’en est fait de la rivière

c’en est fini du sous-bois

les images sont recluses

sur le point de se détruire

avant de regagner sans hâte

 

la sauvagerie de la gorge

et les précipices du ciel

le caméléon nuptial

se détache de la question

 

c’en est fini de la rivière

c’en est fait de la chanson

 

l’écriture se désagrège

éclipse des feuilles d’angle

le rapt et le creusement

dont s’allège sur la langue

la profanation circulaire

 

d’un bout de bête blessée

la romance aveugle crie loin

 

que saisir d’elle à fleur et cendre

et dans l’approche de la peau

et qui le pourrait au bord

de l’horreur indifférenciée

[...]

 Jacques Dupin, Romance aveugle, dans Chansons troglodytes, Fata Morgana, 1989, p. 21-23.