06/08/2016
Anna Akhmatova, Poème sans héros
Un soir
La musique résonnait dans le jardin
D’in si indicible chagrin.
Sur un plat des huîtres glacées
Sentaient la fraicheur âcre de la mer.
Il m’a dit : « Je suis un ami fidèle ! »
Et il effleura ma robe.
Combien peu ressemble à une étreinte
Le frôlement de ces mains-là.
Ainsi caresse-t-on les chats et les oiseaux,
Ainsi regarde-t-on les sveltes écuyères…
Le rire seul anime ses yeux calmes
Sous l’or léger des cils.
Mais les voix déchirantes des violons
Chantent derrière une brume qui s’étire :
« Bénis donc le Cel :
Pour la première fois tu es seule avec lui. »
Anna Akhmatova, Le rosaire (1914), dans Poème
Sans héros, traduction Jeanne et Fernand Rude,
Maspero, 1982, p. 59.
Publié dans Akhmatova Anna, ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anna akhmatova, poème sans éros, étreinte, soir | Facebook |