18/10/2019
Jean-Philippe Salabreuil, Juste retour d'abîme
Le jour n’est plus
Le jour n’est plus une belle eau grise
(Elle est venue des montagnes du temps)
Le bouvreuil noue et dénoue son cri
Aux branchages morts de la lampe
Un matin me visitait la voix
Claire et levée des torrents de la joie
C’était au lendemain l’été
Quand le silence blanc l’ombre jetée
Mais constellée aussitôt de myosotis
Avec les mondes légers des cieux lisses
(Elle n’était plus seule en profondeur)
Une âme bleue veillait dans la hauteur
Ô vie comme s’épuise la lumière
Au coin d’une fenêtre devant la nuit
Les murs crouleraient-ils comme des pierres
Dans le grand lac et serais-je promis
À ce trou de lueurs maigres sous la cendre
(Elle disait il faut descendre)
Et je savais ne pouvoir plus
Soudain un soir l’obscur en crue
Franchir de frêles ponts rongés d’abîme
Puis une à une au pâle étang
Ont soufflé leur lucarne les cimes
Un noir dessein de satin lourd
S’est entrouvert de longues marches
Aux menées taciturnes du fond
(Elle m’a guetté du plus sombre) et je marche
Et je tiens pour veilleuse le jour.
Jean-Philippe Salabreuil, Juste retour d’abîme,
Gallimard, 1965, p. 15-16.
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08/06/2018
Jean-Philippe Salabreuil, Juste retour d'abîme
L’heure est dite d’abois
L’heure est dite d’abois dans les arrière-cours
Et de guenilles en sanglots sur les cordes du jour
Par le travers des lampes nues dans l’ombre noire
O reflet malingre d’un vieil été mémoire
D’un soleil en cendres sous les mains dans la nuit
Passé l’orgue de Barbarie où le temps bruit
Le malaise d’un chien la valise d’une âme
Emplie d’herbe lointaine et de cheveux de femme
Accoudé sur la table le ciel venu m’aider
À compte recompter feuilles mortes accoudé
Sur la table tremblante au fond d’auberges vides
Avec autour d émoi pas mal de chopes vides
Eh bien devines-tu j’en ai fini de mon espoir
À jamais je suis seul dans mon amour ce soir
Dans l’aube de la vie les montagnes de lumière
Aspiré par des tourmentes d’étoiles très claires
Au-dessus d’une transparente ornée de vergers bleus
Eclaboussant d’oiseaux qui sont comme tes yeux
Jusqu’à la cime la plus blanche le fol érable
Et ne viens pas me joindre au bord de cette table
Je n’y suis plus je suis parmi les neiges du futur
Pourtant je t’y attends tête tombée fruit mûr
Dans le bois mort de cette table où d’humides années
J’entends la pluie rouler ses renoncules piétinées.
Jean-Philippe Salabreuil, Juste retour d’abîme, Le Chemin,
Gallimard, 1965, p. 12.
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