14/08/2012
Olivier Apert, Infinisterre suivi de Crash
Drame
quelque chose s’est cassé
- quoi & depuis quand
quelque chose gît se réfugie
comme ces mères qu’on imagine à l’hospice, visitées par leurs enfants, et se grattant furieusement le sexe
quelque chose meurt & ne veut pas mourir
la volonté la foi l’amour le moi comme dispensés au ciel d’un crash-Mirage
quelque chose guette & rit sur la tristesse
ici sur les galets, carlingue écrouie, la mémoire ; là, les débris, souvenirs métalliques qui hantent comme autant de perfusions – cockpit faisant saigner la voûte nocturne
quelque chose mime
- dans les bars, l’alcool caresse la frivolité d’un verre comme ces créatures magnifiques vivant la peau d’un autre
quelque chose attendrait
- un geste au détour comme dans un lit une peinture le pli de la violence éphémère
si quelque chose s’est cassé
- ce serait quoi & depuis quand
Pavane pour une infante disparue, 3
SI loin de toi (je) pense à toi
près de toi ) je ( t’oublie
oui puisqu’IL – le monde – existe
avec & sans eux
SI loin de toi ) je ( pense à (toi)
c’est parce que près de toi
je L’oublie dans ) toi (
SI tu m’oublies en IL
c’est parce que loin de moi
tu existes loin de ) toi (
COMMENT,
COMMENT POURRAIS-JE NE PAS TE VOIR quand
la langue du chat – rose ô si rose boudoir –
avidement lèche le lait coulant des étoiles
avant qu’il aille du balcon se jeter comme la mouette
tridactyle que je recueille (stoïque la mouette) blessée
mais encore voulant marcher vers sa mort (bancale
notre mort) juste pour me donner leçon digne et
drôle avec la gueule (rose ô si rose le gosier) ne
miaulant pas à sec son cri : ne m’oublie pas :
COMMENT NE POURRAIS-JE PAS TE VOIR ?
Olivier Apert, Infinisterre suivi de Crash, éditions Apogée (Rennes),
2006, p. 45, 75, 108.
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