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01/12/2014

Hubert Antoine, Comment je ne suis pas devenu poète

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                  Premier Marshal — You're William Blake ?

               William Blake — Yes I am. Do you know my                   poetry ?

               (Et William Blake descend les marshals de                       deux  coups de revolver)

            Jim Jarmusch, Dead Man (Miramas Films, 1991)

 

 

   J'étais un vrai poète, avant. Avant de devenir assis, rasé. Avant de dépenser l'inspiration dans des probabilités de cartes. Avant d'entrer dans le tourniquet, de gagner l'indispensable te de semer des ricanements sur le tapis de l'écume.

    Attention ! Je n'étais pas un poète vivant, bien sûr. Non, moi j'étais un vrai poète made in XIXe siècle, tout ce qu'il y a de plus réglementaire à la poussière. Poète signé, publié, honni. J'étais déjà oublié avant même d'être mentionné. Poète quoi ! L'inanité...

   En tout cas j'en avais les cheveux.

   Et la certitude. Et la nonchalance. Et l'écho du silence.

    J'avais tout lu, de la préface de Victor Hugo au bibelot de Mallarmé, en passant par la machine à coudre de Lautréamont et le collier du chien Bob qui tinte dans les Amours jaunes. Je ne dansais qu'avec douze pieds. Le vers était le meilleur du bruit. Enfin j'étais maître de tous ces jeux de mots qui s'apparentent à une musiquette entraînante.

   Lourd, donc.

  

Hubert Antoine, Comment je ne suis pas devenu poète, La Lettre volée, 2014, p. 27.