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25/07/2013

Jean Tardieu, Jours pétrifiés

 

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                     Regina terrae

 

 

 

          

                                       À Albert Camus

 

Comme un souvenir

je t'ai rencontrée,

personne perdue.

 

Comme la folie,

encore inconnue.

 

Fidèle fidèle

sans voix

sans figure

tu es toujours là.

 

Au fond du délire

qui de toi descend

je parle j'écoute

et je n'entends pas.

 

Toi seule tu veilles

tu sais qui je suis.

 

La terre se tourne

de l'autre côté,

je n'ai plus de jour

je n'ai plus de nuit ;

 

le ciel immobile

le temps retenu

ma soif et ma crainte

jamais apaisée,

 

pour que je te cherche,

tu les as gardés

 

Sœur inexplicable,

délivre ma vie,

laisse-moi passer !

 

Si de ton mystère

je suis corps et biens

l'instant et le lieu

 

ô dernier naufrage

de cette raison,

avec ton silence

avec ma douleur

avec l'ombre et l'homme

efface le dieu !

 

Faute inexpiable

je suis sans remords.

Dans un seul espace

je veux un seul monde

une seule mort.

 

Jean Tardieu, Jours pétrifiés, Gallimard,

1948, p. 77-79.