29/11/2022
Erich Fried, Es ist was es ist
Une nuit à Londres
Garder les mains
devant le visage
et laisser clos
les yeux
ne voir qu’un paysage
montagnes et torrent
et dans la prairie deux animaux
bruns sur le versant vert clair
qui monte jusqu’à la forêt plus sombre
Et commencer à sentir
l’herbe fauchée
et tout en haut au-dessus des pins
en cercles lents un oiseau
petit et noir
sur le bleu du ciel
Et tout
absolument paisible
et si beau
que l’on sait
que cette vie vaut la peine
parce que l’on peut croire
que tout ça existe
Erich Fried, Es ist was es ist, Verlag Klaus Wagenbach, 1983, traduction Chantal Tanet et Michael Hohmann.
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28/11/2022
Erich Fried, Es ist was es ist
Une sorte de poème d’amour
Qui te désire
quand je te désire
Qui te caresse
quand ma main te cherche ?
Est-ce moi
ou les vestiges de ma jeunesse ?
Est-ce moi
ou les prémices de ma vieillesse ?
Est-ce ma rage de vivre
ou ma peur de la mort ?
Et pourquoi mon désir
devrait-il avoir du sens pour toi ?
Et que t’apporte mon expérience
qui n’a fait que m’attrister ?
Et que t’apportent mes poèmes
où je ne fais que dire
combien c’est devenu difficile
de donner ou d’exister ?
Et pourtant dans le jardin au vent
le soleil brille avant la pluie
et l’air embaume l’herbe agonisante
et le troène
et je te regarde et
ma main part à ta recherche
Attente
Ta voix lointaine
toute proche au téléphone –
et bientôt je l’entendrai de tout près
plus lointaine
parce qu’alors elle devra emprunter
le long chemin
qui mène de ta bouche à mes oreilles
en passant entre tes seins
franchir ton nombril
et le petit mont
en suivant tout ton corps
que tu regardes d’en haut
jusqu’à ma tête en contrebas
dont le visage
est enfoui entre tes cuisses soulevées
dans ta toison
et dans ton ventre
Erich Fried, Es ist was es ist, traduits de l’allemand par Chantal Tanet et Michael Hohmann
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