06/05/2020
Cesare Pavese, Travailler fatigue
Récit du politique
Nous allions le matin au marché des poissons
et nous rincions l’œil : il y en avait d’argent,
des vermeils ou des verts, aux couleurs de la mer.
Comparés à la mer, tout écaillés d’argent,
les poissons l’emportaient. Nous pensions au retour.
Même les femmes étaient belles, l’amphore sur la tête,
olivâtre, façonnée sur la forme des hanches
mollement : chacun pensait aux femmes,
leur manière de parler ou de rire, de marcher dans la rue.
Nous étions tous à rire. Il pleuvait sur la mer.
Par les vignes cachées dans les replis de terre
l’eau macère feuilles et grapillons. Le ciel
se colore de nuages épars, rougissants
de soleil et de joie. Sur la terre saveurs
et couleurs dans le ciel. Personne avec nous.
Nous pensions au retour comme on pense au matin
après toute une nuit occupée à veiller.
Nous jouissions des couleurs des poissons et de l’humeur
Des fruits, à l’odeur pénétrante dans les relents marins.
Nous étions ivres, dans l’attente de retour.
Cesare Pavesse, Travailler fatigue, Gallimard, 1961, p. 257.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Pavese Cesare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cesare pavesse, travailler fatigue, récit du politique, retour, poisson | Facebook |
Les commentaires sont fermés.