07/05/2019
Andrea Zanzotto, Le paysage, illusions anciennes et nouvelles
Raisons d’une fidélité
L’habitat humain dans le cadre naturel constitué par le paysage pourrait sembler totalement accidentel, sans signification, ou même néfaste comme une plaie. La tentation revient encore à notre époque de le considérer de cette manière : s’il le voyait « de Sirius » ou Micromégas dégoûté de l’homme et de ses méfaits, ou de son grouillement inexplicable, le déblaierait peut-être volontiers de la présence corruptrices des fourmilières humaines, libérant la pureté du vert et du bleu, du doré et du brun, les couleurs de la gemme terrestre dans sa configuration originelle. Mais si l’on a l’orgueil et l’humilité qu’il faut pour se situer sur le plan humain (tel est le postulat implicite de tout propos venant de l’homme), la présence humaine dans le cadre naturel doit nécessairement retrouver un sens. On ne peut débattre des signes laissés par cette présence que dans la tension qui se fait « mesure de toutes choses ». L’habitat plaie disparaît alors pour laisser place à l’habitat floraison qu’un milieu terrestre doit être prêt à recevoir — qu’il est même, en un sens, destiné à recevoir. On ne peut échapper à ce pari : l’homme en tant que moment le plus ardent de la réalité naturelle, se situe en elle à sa juste place, la remet en ordre selon ses lois et en révèle par cela même la pré-humanité, cette attente où elle se préparait à sa réussite la plus complexe pour ne pas dire la plus haute. (…)
Andrea Zanzotto, Le paysage, illusions anciennes et nouvelles, traduction Christophe Garraud, dans Conférence, n°47, hiver 2018-printemps 2019, p. 443-444.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, ESSAIS CRITIQUES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andrea zanzotto, le paysage, illusions anciennes et nouvelles, habitat humain, nature | Facebook |
Les commentaires sont fermés.