13/12/2018
Pierre Michon, L'empereur d'Occident
Je savais ceci : Attalus était né en Orient. Nul ne sait plus à quoi fut employée sa jeunesse, s’il eut un père ou une mère ; personne ne sait de quel grand rêve, lyre dans les bosquets, buisson ardent où l’on vous remet des lois et un pouvoir, arbustes en fleur entre lesquels on aperçoit des chairs très nues dans la fièvre extravagante des premiers désirs, de quelle raison, de quel vouloir il s’épuisa à faire une réalité de sa vie : personne, sauf peut-être moi. Il rencontra Alaric entre 400 et 410 du Christ ; il pouvait avoir quarante ans ; certains disent qu’à ce moment de sa vie il jouait de la lyre ; d’autres, les mieux informés, les moins dignes de foi, affirment qu’il était préfet de Rome quand le Goth s’empara de lui : je ne veux pas les croire. Alaric guerroyait alors en Italie ou dans la Narbonnaise, peut-être déjà sous les murs de Rome, peut-être seulement dans les bois d’Autun.
Pierre Michon, L’empereur d’Occident, Fata Morgana, 1989, p. 53-54.
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