10/12/2018
Pierre Silvain Passage de la morte
Vous descendiez la rue Servandoni pour vous rendre rue de Condé, sans prêter beaucoup plus qu’une attention discrète à la jeune femme et à la fillette qu’elle tenait par la main, marchant devant vous. A un moment la fillette s’est retournée. Elle a paru surprise et vaguement inquiète, puis tout à coup a souri. Alors, seulement, vous l’avez observée. Le petit visage étroit qu’elle gardait levé tout en trottinant auprès de sa mère était criblé de taches de son jusqu’à la naissance des cheveux roux frisés, presque crépus, répandus sur ses épaules et son dos, avec un ondoiement qui leur venait de ses pas menus, de plus en plus rapides, comme si sa mère en la tirant à elle la pressait d’avancer. Ai bas de la rue, la fillette a tourné une dernière fois la tête dans votre direction, la chevelure mouvante est sortie de la zone d’ombre au pied de l’église Saint-Sulpice, elle a flambé un instant au soleil, puis disparu.
Pierre Silvain, Passage de la morte, L’escampette, 2007, p. 61.
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