26/10/2013
Stéphane Crémer, Compost / composto
La terre
Au sortir d'un rêve à Brasilia j'ai empoigné
la terre, déjà si âcre à mes mains
que leurs paumes m'ont paru des papilles
d'où montait un goût avec son parfum.
Quelqu'un est mort bien loin ce matin
et j'ai pensé, en me baissant jusque là
pour l'emporter à mon retour, que je saurais
l'y ensevelir à ma manière en secret.
Ainsi — car n'allons pas priver la poésie
de sa logique : ni car ni ainsi ne sont proscrits
du poème, ni aucuns mots pourvu qu'ils s'unissent
en pensée par delà les marges noires du faire-part ! —,
ainsi je garde près de moi dans des flacons
comme une épice sur l'étagère de ma cuisine,
ce piment rouge du Brésil dont je sais qu'un jour,
empesé à l'amidon de mon choix, un beau jour
nous partagerons la délicieuse peinture mitonnée
qui montrera, aussi bien qu'une Joconde enfin
pour de bon éclipsée de son cadre, ce qu'il reste
de cette disparition : un paysage, et son horizon !
Stéphane Crémer, Compost / composto, douze poèmes
traduits dans le portugais du Brésil par Leonardo Lacerda
et Alain Mourot, éditions isabelle sauvage, 2013, p. 42.
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