21/01/2013
Véronique Pittolo, Toute résurrection commence par les pieds
Les Époux Arnolfini, Jan Van Eyck, 1434, National Gallery, Londres
Le couple
Il est difficile de montrer l'amour en peinture.
Deux mannequins face à face ? (Non.)
L'art explique certains phénomènes comme la création du monde, une nymphe accompagnant un satyre dans une clairière, c'est tout.
Dans la vie, on ne passe pas son temps dans les sous-bois à déclamer les beautés de la nature, si on veut représenter le couple.
Il faut des exemples dans la vie.
Dire que ce bleu est unique parce que le couple est beau sous le ciel.
Comment comprendre le mécanisme de l'amour dans l'art ?
La Ronde de Matisse entre dans la catégorie des amoureux amortis, le peintre ne montre pas les sentiments, il propose une ambiance, une chose teintée...
On se dit Quel beau tableau ! et on aime le plus beau sujet du monde.
À l'origine brillait une chambre double réservée à un couple libre, éblouissant, un rêve de paléontologue : l'homme et la femme dans une chambre où tout est parfait, complet, suspendu, le lit, les chaussons, la respiration.
On peut toucher les tissus, regarder le miroir légèrement déformant mais valorisant, la chambre devient une vitrine où s'expose un sang spécial.
Si Madame Arnolfini n'est pas finie, ce n'est pas grave, son ventre suffira à laisser une trace dans le monde.
Si vous le prenez en photo, il bouge.
Aujourd'hui, le couple est mis en scène dans de multiples situations, dans les relais et châteaux, les magazines people, sur la plage, en forêt.
Il suffit de l'observer pour comprendre la difficulté à le peindre.
Le coule moderne a quitté la dentelle pour s'en tenir à des mœurs libres avec égale responsabilité des sexes.
On ignore si les Grands Époux appartiennent à la nature ou à la culture parce que le couple est un sujet inépuisable, pas seulement pour les historiens d'art. S'il gaspille les forces de l'humanité,
on ignore qui est responsable de ce gaspillage.
Sans peaux de bête, juste un peu d'ombre pour se reposer, il fut innocent un jour.
Petit à petit, il s'embourgeoise dans la version flamande, l'homme tient la main de sa femme tout en fourrure et cornes de dentelle. À la sortie de l'église les mariés seront photographiés de cette manière, en noir et blanc.
Ainsi le couple est un sujet banal qu'il faut savoir évoquer comme personne, ne pas dire seulement que Monsieur est un peu plus grand ou qu'il va féconder sa partenaire. L'exubérance du principe mâle est remise en question à chaque époque.
Un couple qui se sépare n'aime pas être fixé, il prend des témoins, un avocat, et quand les témoins disparaîtront, on ne saura plus rien de Monsieur et Madame, les moments esthétiques et les plus nostalgiques... rien.
Véronique Pittolo, Toute résurrection commence par les pieds, éditions de l'Atente, 2012, p. 77-78.
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