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02/06/2012

Tristan Corbière, Paris nocturne

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                   Paris nocturne

 

— C'est la mer : — calme plat — et la grande marée,

Avec un grondement lointaine, s'est retirée.

Le flot va revenir, se roulant dans son bruit —

— Entendez-vous gratter les crabes de la nuit...

 

— C'est le Styx asséché : Le chiffonnier Diogène,

Sa lanterne à la main, s'en vient errer sans gêne.

Le long du ruisseau noir, les poètes pervers

Pêchent ; leur crâne creux leur sert de boîte à vers.

 

— C'est le champ : Pour glaner les impures charpies

S'abat le vol tournant des hideuses harpies.

Le lapin de gouttière, à l'affut des rongeurs,

Fuit les fils de Bondy, nocturnes vendangeurs.

 

— C'est la mort : La police gît — En haut, l'amour

Fait la sieste en tétant la viande d'un bras lourd,

Où le baiser éteint laisse sa plaque rouge...

L'heure est seule — Écoutez : ... pas un rêve ne bouge.

 

— C'est la vie : Écoutez : la source vive chante

L'éternelle chanson, sur la tête gluante

D'un dieu marin tirant ses membres nus et verts

Sur le lit de la morgue... Et les yeux grand'ouverts !

 

Tristan Corbière, Poèmes retrouvés, dans Charles Cros, Tristan Corbière, Œuvres complètes ; Tristan Corbière, édition établie par Pierre-Olivier Walzer, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1979, p. 888.

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