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04/05/2012

Jean Tardieu, Elle court de branche en branche, dans Margeries

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Elle court de branche en branche

 

Bel ange mon cruel démon

je te l'ai dit je le redis

tu me fais vivre tu me tues

démon de délice, ange d'or,

tu me ravis, tu me dévores,

tu es la halte et le galop,

qui m'emporte jusqu'au délire

jusqu'à la fin de mon chemin

Feu follet flamme autant que femme

tu cours devant moi tu me tires

je te vois partout te poser

sur les visages sur les vitres

sur la neige sur les reflets

je te vois partout traverser

cette immense forêt qui bouge

des gens qui marchent dans la rue

oiseau qui cours de branche en branche

charme et supplice de mon âge

de mon désir et de ma soif

tu sautes d'instant en instant

tu me fais signe tu me parles

j'entends ton rire je m'approche

mais aussitôt tu te dérobes

pour te poser un peu plus loin

et toujours la chasse adorable

et toujours ton malin manège

m'aveugle et je vais à tâtons

dans cette nuit qui m'accompagne

cherchant ce corps qui n'est que flamme

que mes bras ne peuvent saisir

cette bouche qui fuit ma bouche

cette main frêle qui me tient

cette main tendre qui me traîne

dans l'étourdissement du rire

dans l'éblouissement du feu

dans l'abîme de mon destin.

 

Jean Tardieu, Margeries, Gallimard, 1986, p. 87-88.

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