11/03/2012
Jacques Réda, Lettre au physicien, La physique amusante II
Au fond des distances béantes
Que peuplent des mondes éteints,
Les étoiles ont des destins
Différents : naines ou géantes
Selon leur grosseur et leur poids.
Et plus une étoile est massive,
Plus tôt son ardeur la lessive
Car elle carbure cent fois
Plus vite qu'une plus petite :
Économes de leurs moyens
Ces astres finiront foyens
De l'Univers.
Pour notre site
Dont l'agrément dépend de lui,
Le Soleil est d'une envergure
Simplement honnête. On mesure
Qu'à présent il a déjà lui
Environ cinq milliards d'années
Et qu'il devrait en vivre autant.
Le présent est réconfortant :
Ses ambitions effrénées
Auront peut-être alors conduit
Notre inquiète fourmilière
Sur quelque boule hospitalière,
Dans un éternel aujourd'hui
D'où nous verrons, comme au spectacle,
Le tableau final du Soleil
Gonflant d'un volume pareil
À cent fois son vieil habitacle,
Devenir rouge, cramoisi,
Dévorer tout de son système :
Planète, lune, ce poème
Qu'il faut achever. Allons-y :
Donc, notre astre, géante rouge,
Consommé tout son carburant,
Bientôt se ratatine au rang
De Naine Blanche où rien ne bouge
Qu'un durable rayonnement
Qui pourtant aussi s'exténue :
En naine noire il diminue
Et s'efface du firmament.
Qu'en est-il de la Naine Brune ?
Elle n'est pas l'enfant métis
De cette Blanche au teint de lis
Et de la Noire. Ce n'est qu'une
Étoile ratée en raison
De sa faible masse. Elle éclaire
Faute de thermonucléaire
Activité, moins qu'un tison.
N'est-elle pas des plus heureuses ?
Souvent des brunes m'ont séduit.
Dans la pénombre du déduit,
Ce sont d'ardentes amoureuses.
Je voudrais, loin dans l'Univers,
Auprès d'une Brune secrète
(Naine, soit, nulle n'est parfaite),
Partir mon temps d'anachorète
Entre son amour et mes vers.
Jacques Réda, Lettre au physicien, La
Physique amusante II, Gallimard, 2012,
p. 33-35.
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