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31/05/2011

Raymond Queneau, Le Chien à la Mandoline

Raymond Queneau.jpeg 

 

De l’information nulle à une certaine poésie

 

C’est bien vrai qu’il faut dire il neige quand il neige

c’est comme ça que l’on se fait comprendre

c’est en disant qu’il neige quand il neige que

c’est agréable de faire la conversation avec des gens qui disent que

c’est le temps qui veut ça qu’il neige quand il neige

c’est comme ça qu’on vit en société sans difficultés aucunes et

c’est comme ça qu’on se fait des amis et

c’est si facile de dire qu’il neige quand il neige

plutôt que de dire il pleut

c’est prétentieux de dire qu’il pleut s’il neige

mais où la poésie va-t-elle se nicher dans tout ça ?

dans un flocon

dans un flocon de neige

arrosé de marsala

un jour d’été sur la grève

d’une plage au Sahara

où si l’on dit : « tiens… mais il neige… »

c’est un peu au hasard…

comme ça…

 


                     Dodo, l’enfant ut

 

Enfants qui déchiffrez dans l’ambre des agathes

Des entrailles le miel du lapins étendues

Sur l’étal du marchand avec leurs quatre pattes

Pour qu’ils ne courent pas deux ensemble cousues

 

Enfants qui préférez le goût des aromates

Au vol des papillons sur les pousses touffues

Y semant le pollen de leurs corps antennates

Exemples confondants des ères disparues

 

Enfants qui déchiffrez dans le cercle de lune

Un bûcheron bossu qui porte sa fortune

Quelques fagots de bois valant bien quatre sous

 

Enfants qui dans la nuit apercevez la hune

De bateaux sinistrés recouverts par la dune

Enfants vous qui rêvez enfants endormez-vous

 

Raymond Queneau, Le Chien à la Mandoline, Le Point du jour, Gallimard, 1965, p. 108-109 et 223-224.

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