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Roberto Deidier (1965), Une saison continue

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       Matinal

 

Il est un sentier incurvé

le long du pli de l’oreiller

avide et souterrain il descend

jusqu’à un cosmos qu’il ne sait distinguer.

 

Dans le métro l’attention

me contient, les yeux ouverts,

où plus dense est la toile d’araignée

du matin. Chaque station

connue conjugue mes journées

sur le rythme lent du réveil.

J’ai un rendez-vous avec la langue,

les couleurs du trajet

sont des instants à interpréter.

 

Roberto Deidier, Une saison continue, traduction

Philippe di Meo, La NRF, janvier 2008, p. 159.

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07/12/2020 | Lien permanent

Jules Renard, L'Œil clair

 

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                                  La visite au poète

 

— Nous allons voir un poète, dis-je à Philippe. Oui, M. Ponge, à Viresac, est un poète. Vous ne le saviez pas ?

    Non, monsieur.

— M. Ponge fait des vers. J’en ai lu ; vous aussi, Philippe, dans le petit journal du canton.

— Je ne me rappelle pas.

— Nous avons un poète à quatre kilomètres d’ici.

— Ça se peut bien. Est-ce qu’on prend les fusils ?

— Oui, nous chasserons à l’aller et au retour.

On part et je tue en route une tourterelle ; c’est un beau coup de fusil, digne d’un chasseur qui fait une visite à un poète.

Je n’ai jamais vu M. Ponge.

    Je connais un homme qui porte ce nom, dit Philippe, je l’ai même vu aux foires ; mais ça ne peut pas être votre poète. C’est un paysan qui ne marque pas mieux que moi.

Il se renseigne à la première maison du village.

Un vieux, assis devant sa porte, se dresse, donne une poignée de main à Philippe et dit l’air tragique :

    Il est mort !

— Merci, mon vieux.

Et le vieux se rassied, tout souriant.

— Il n’a plus sa tête, me dit Philippe.

Plus loin un autre vieux, dont la peau semble de papier, nous dit :

    Je vois bien que vous cherchez des lièvres.

— Nous cherchons M. Ponge.

— Là-bas, tenez ! au bout du village, aux dernières maisons, près de la fontaine. Vous ne le trouverez peut-être pas chez lui ; à cette heure de la journée, il est dans les champs, il garde sa vache, mais il ne s’écarte pas beaucoup de sa maison.

— Il garde sa vache lui-même ?

— Comme tout le monde !

Le village du poète n’a pas, ce soir, un goût de rose, et les gens de Viresac ne paraissent point incommodés, l’habitude ! Une vieille femme qui abat des prunes nous crie de son échelle :

— Voilà un homme qui court derrière vous !

Comme je me retourne, l’homme, en bras de chemise, s’arrête, boutonne son gilet, et nous dit :

— On m’a prévenu que vous me demandiez ; excusez-moi, j’aidais à finir une couverture de paille, là, tout, tout près. Vous me faites bien de l’honneur.

Il nous invite à entrer dans sa maison. Philippe écoute, son fusil entre les jambes. Il ne se croit pas dans la maison d’un poète et il garde sur sa tête un chapeau qu’il n’ôterait qu’à l’église où il ne va jamais.

Le poète, chétif, maigre, âgé d’une quarantaine d’années, paraît ému. Sa figure serait plus expressive, sans doute, si, d’un coup de peigne, il relevait ses cheveux gris de poussière et dégageait un  peu le front haut et étroit. Il s’applique à bien parler, et comme il n’a passé que par l’école primaire, ses fautes de langage éclatent. Le mot « littérature » échappe de sa bouche avec des sonorités bizarres. L’a est énorme, coiffé d’accents circonflexes comme d’un vol de corneilles.

Il a toujours aimé la littérature, mais la prose plus que la poésie. C’est du régiment, parce qu’il avait des heures de reste, que l’idée lui vint de se lancer.

— Si j’avais poussé mes études, étant jeune, dit-il, j’aurais fait quelque chose. Je ne peux écrire des vers que pour mon plaisir personnel. Je ne sais pas si on veut me flatter, mais des gens qui s’y connaissent me trouvent de l’imagination.

Je n’ose lui dire : faites voir vos vers.

Il a pris part à un concours organisé par une revue de poésie. Il me montre une brochure bleue, et je reconnais une de ces petites revues qui vivent de cette espèce de concours parce qu’un abonnement y donne droit au moins à une mention. C’était en l'honneur de Lamartine. La liste des membres du jury, Sully Prudhomme en tête, est interminable.

— Je n’y vois pas votre nom, me dit le poète ; vous ne travaillez que pour la prose ?

— Oui, dis-je, mais ça ne m’empêche pas d’aimer la poésie, au contraire.

Il avait adressé des vers et des proses. Les vers sont classés, les proses n’ont obtenu qu’une mention.

Étant poète il croit que c’est aux vers qu’on a  donné la meilleure récompense, et il m’indique son nom perdu dans une foule d’autres imprimés en petits caractères presque illisibles.

— Je garde le papier pour les enfants, dit-il. Plus tard, ils seront satisfaits.

Précisément deux gamins écoutent sur le pas de la porte ouverte.

— Eh bien ! dit le poète, est-ce qu’on se présente comme ça au monde ? Voulez-vous dire bonjour !

Ils ne veulent pas.

Une femme entre, va et vient, sans dire un mot, et disparaît. Je saurai plus tard que c’était Mme Ponge.

C’est assez pour une première visite. Quand je me lève, le poète, devinant, à ma réserve, que j’ai voulu le mettre en garde contre les espoirs irréalisables, me dit, avec une prudente finesse :

— Oh ! moi, je m’occupe de ça pour m’amuser, j’ai mon bien à faire valoir. Je ne suis pas un poète de métier, je suis un agriculteur.

Je quitte cette maison obscure, où, sans l’éclairer ni l’enrichir, viennent d’être cités les plus glorieux noms de la poésie française.

Philippe, qui n’a fait que regarder un fusil rouillé pendu au plafond, me dit, en dehors :

— Il faut que ça le tienne rudement serré pour qu’il écrive le soir, à la veillée, au lieu d’aller se coucher ; moi, je ne pourrais pas.

    Vous ne le reconnaissez donc plus ?

    Si.

    Vous ne lui avez rien dit ?

    Je n'aurais jamais cru, répond Philippe, qu’un homme comme lui, c’était un poète.

 

Jules Renard, L’Œil clair [1913], collection L’imaginaire, Gallimard, 1998, p. 74-77.

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15/09/2011 | Lien permanent

Pierre Vinclair, Idées arrachées : recension

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pierre Vinclair construit ses idées sur l’écriture en lisant et analysant des auteurs de référence (T. S. Eliot, J. Ashbery ), ce qui aboutit pour chacun à un livre (Terre inculte, 2018, Autoportrait de John Ashbery, 2022 ) ou, au fil du temps, les "arrache" en lisant des parutions récentes : c’est le cas dans cet ouvrage qui reprend des textes parus dans des revues auxquelles il collabore régulièrement, de Catastrophes à Pozibao et Sitaudis, deDiacritik à Europe et Acta Fabula ; d’autres contributions s’ajoutent, entretiens, articles, préface. Les textes repris sont parfois anciens, comme un article de 1979, à propos de la traduction d’un poème chinois, remanié ici et augmenté. Ils sont regroupés en sept ensembles de dimension inégale : Geste du poème, Poétique de la prose, L’œuvre en question, Philosophie des genres, Face à la catastrophe, Échafauder Babel, Portrait du critique en arracheur de dents. Le livre s’achève avec trois index (notions, noms propres, revues et maisons d’édition). La diversité des domaines abordés, même si un fil les relie, déborde les limites d’une note de lecture et l’on se limite à lire le premier ensemble.

Dans tous ses livres, Vinclair n’oublie jamais la réalité vécue, y compris le moment où il entreprend telle lecture : on sait bien que le même livre n’est pas lu de la même manière à tel ou tel âge. Il se situe également dans le temps par rapport aux membres de sa famille, point d’ancrage aussi dans ses poèmes. Vie personnelle et connaissance d’une œuvre peuvent être étroitement liées ; ici, le lecteur apprend qu’il entreprend la lecture des Nouvelles Impressions d’Afrique de Raymond Roussel en 2000 alors qu’il est né en 1982. Il avoue n’avoir rien compris et son entrée en classes préparatoires en 2001 le fait renoncer à entreprendre une nouvelle lecture. Parallèlement, il découvre Roubaud et il lit La Vie mode d’emploi de Georges Perec où il retrouve le nom de Roussel. C’est le choix d’un sujet de maîtrise à partir de Foucault qui le ramène à Roussel par l’étude (Raymond Roussel) qu’a publiée le philosophe en 1963. Ce détour de Vinclair, peut-être un peu long, vise me semble-t-il à insister sur l’importance des conditions dans lesquelles on lit une œuvre. La construction des Nouvelles Impressions d’Afrique, avec ses parenthèses dans les parenthèses, ses rejets, la complexité des rapports syntaxiques, les métaphores, etc., empêche, écrit Vinclair, « la synthèse sémantique dont j’ai l’habitude et à laquelle je crois souvent avoir un droit légitime. » L’incompréhension de la première lecture n’est sans doute pas étrangère au choix du vers de Roussel dont la suite est longuement commentée : Lire souvent égale être leurré, témoin : » — Vinclair conclura de son côté « les livres sont des puzzles truqués ».

 

Ce que Vinclait répète sous différentes formes, c’est que « le poème fabrique son sens », qu’il n’est écrit pas pour "exprimer" une idée. De là la nécessité, dans la lecture, d’être attentif à la construction d’un poème, aux jeux de langage, à l’ordonnance des sons, aux images, au détail de la syntaxe. Il retient par exemple, dans plusieurs livres de Savitzkaya la question de l’adresse, introduite par "à", comme dans "à Marie" et, notant l’ambiguïté de l’emploi de la préposition pour marquer le temps ou le lieu, il propose de lire un poème comme "une pièce de théâtre" aux personnages variés, « phonèmes, signification et fonctions grammaticales, autant que les référents du monde réel qu’ils sont censés représenter. » Accepter cette proposition donne justement les moyens de lire un poème — en laissant de côté ce qui domine encore dans l’enseignement, "ce que l’auteur a voulu dire". La poésie, la littérature n’ont pas à restituer une représentation du monde, des hommes, le sens, étant de toute manière, « étranger au monde, il n‘est d’épiphanie que dans le délire ou la mauvaise foi — une fiction. » Notons que Vinclair parle aussi du « théâtre de la lecture »

Un autre ensemble de réflexions s’attache à la relation aux œuvres anciennes ; Vinclair choisit d’examiner la réécriture contemporaine de plusieurs épopées, une partie de l’Iliade (la mort des personnages), le Ramayana  de l’Inde et le Mabinogi gallois. S’agit-il, si l’on se reporte à la querelle des Anciens et des Modernes d’imiter ce qui fut ou de composer pour notre époque et, alors, d’être « infidèle au nom d’une fidélité supérieure » ? Les trois auteurs reprennent bien la matière des Anciens mais l’exploitent pour « servir des fins qui n’existaient pas à l’époque des textes canoniques ». Construction donc de « visions » propres à l’imaginaire d’aujourd’hui, volonté d’être dans le présent en relisant les œuvres du passé pour les intégrer dans notre littérature. Dans une perspective analogue, la forme du sonnet a été questionnée dès le XIXesiècle, et certains l’emploient aujourd’hui sans se préoccuper de rimes, de compte de syllabes (William Cliff), ni même du partage en quatrains et tercets (Robert Marteau). Quand le sonnet « se met lui-même en scène comme forme du passé », il use de cette « inactualité » à des fins critiques (Laurent Fourcaut) ou, en même temps, comiques (Christian Prigent) ; la lecture peut aussi être « dans le spectacle » d’un sonnet (Laurent Albarracin), l’auteur gardant toujours une distance amusée vis-à-vis de la forme.

On n’a fait que retenir quelques éléments, charpente des lectures de Vinclair. Il insiste sur la nécessité de reconnaître la forme du poème, sans négliger quelque aspect que ce soit et cette saisie, qui constitue une démarche de lecture, importe « davantage que le résultat ». Cette démarche exclut les conclusions scolaires (mais pas seulement !) qui font du poème un réservoir de sentiments ou d’idées, un lieu de représentations diverses, et l’on approuve le rejet de Vinclair : « Il y a tant à jouir au milieu des mots dans le pierrier du poème. Gardons l’interprétation pour le face-à-face avec la matière toujours si décevante des urinoirs, des carrés blancs et des sculptures en ballons » 

 

Pierre Vinclair, Idées arrachées, Essais et entretiens, Lurlure, 2023, 528 p., 26 €.

Cette recension a été publiée par Sitaudis le 8 tard 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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09/05/2023 | Lien permanent

Ossip Mandelstam, Simple promesse, choix de poèmes 1908-1937

Une semaine avec les éditions de La Dogana

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Encore il se souvient de l'usure des souliers —

De la majesté fruste de mes semelles

Et moi, de lui : sa voix aux sonorités diverses.

Ses cheveux noirs, au bord de la montagne de David.

 

Retapées à la craie ou au blanc d'œuf,

Les enfilades de rues couleur de pistache,

La pente des balcons, le fer à cheval, le balcon-cheval,

Les petits chênes, les platanes, les ormes lents.

 

Et l'enchaînement féminin des lettres bouclées

Plus enivrant pour l'œil dans l'enveloppe de lumière,

Et la ville si bien faite, qui se prolonge en robustesse

Jusque dans l'été juvénile et vieillissant.

 

7-11 février 1937, Voronèje

 

Ossip Mandelstam,  Simple promesse, choix de poèmes 1908-1937, traduit par Philippe Jaccottet, Louis Martinez, Jean-Claude Schneider, postface de Florian Rodari,  La Dogana, 2011 [1994], p. 134.

 

 

 

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01/12/2013 | Lien permanent

Giuseppe Ungaretti, Vie d'un homme

 

giuseppe ungaretti,vie d'un homme,philippe jaccottet,soir

 

     Du soir

 

Dans les soupirs humides de ta nudité

Tu dérobes un secret. Souriant,

 

Rien, retenant son souffle, n'est plus doux

Que de t'entendre consumer

Au soleil moribond

L'ultime flamboiement de l'ombre, terre !

 

                 Soir

 

Aux pieds des pas du soir

Coule une eau claire

Couleur d'olive,

 

Jusqu'au feu bref et sans mémoire.

 

À cette heure dans la fumée j'entends rainettes et grillons,

 

Où tremblent tendres les herbes.

 

Giuseppe Ungaretti, Vie d'un homme, Poésie 1914-1970,

Préface de Philippe Jaccottet, Poésie / Gallimard, 2005 [1973], p. 158 (traduction Ph. Jaccottet), 163 (traduction Jean Lescure).

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02/08/2012 | Lien permanent

Ossip E. Mandelstam, Simple promesse

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Je ne sais s’il y a bien longtemps

Qu’on chante cette rengaine :

Sourdine aux feutres du voleur,

Au bourdon du roi des moustiques…

 

Je voudrais pour ne rien dire

Parler encore une fois,

Chuinter comme une allumette,

Houspiller la nuit, l’éveiller,

 

Soulever le bonnet de l’air

Suffoquant comme une javelle

Secouer et vider le sac

Bourré de grains de cumin,

 

Pour que le lien de sang rosé,

Carillon de ces herbes sèches,

Lien dérobé, soit retrouvé :

Outre-siècle, outre-fenil et rêve.

 

1922

 

Ossip E. Mandelstam, Simple promesse (choix de poèmes 1908-1937), traduits du russe par Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider, Postface de Florian Rodari, Genève, La Dogana, 1994, p. 50.

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16/10/2011 | Lien permanent

Jean Baptiste Chassignet, Le Mespris de la vie...

jean baptiste chassignet,mépris de la vie,poésie baroque

 Philippe de Champaigne, Vanité, allégorie du temps qui passe avec crâne et sablier

 

Tantost la crampe aux piés, tantôt la goute aus mains,

Le muscle, le tendon, et le nerf te travaille,

Tantost un pleuresis te livre la bataille,

Et la fiebvre te poingt de ses trais inhumains.

 

Tantost l’aspre gravelle espaissie en tes reins

Te pince les boyaus de trenchante tenaille,

Tantost un apostume aux deus poumons t’assaille

Et l’esbat de Venus trouble tes yeux serains.

 

Ainsi en advient il à quiconque demeure

En la maison d’autry, mais s’il faut que tu meure,

Tu deviens aussi tout pensif et soucieus.

 

Helas ! aimes tu mieux mourir toujours en doute

Que vivre par la mort ? celuy qui la redoute

Ne fera jamais rien digne d’un homme preus.

 

Jean Baptiste Chassignet, Le Mespris de la vie et Consolation contre la mort, édition critique d’après l’original de 1594 par Hans Joachim Lope, Genève, Droz et Paris, Minard, 1967, p. 44-45.

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30/03/2011 | Lien permanent

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre, Philippe Di Meo, la crue, s'évader

    La crue

 

Quelques gestes ou paroles

murmurées à peine

paisibles regards de braise

voilés par la cendre

et dehors le grondement de la crue

eaux arbres bourbe

arrachés à quelque lieu

ici déversés pour former

une terre nouvelle une mer nouvelle

 

      On ne s'évade pas

 

On ne s'évade pas de cette pièce

de ce qui ici point ne survient

 

 

      La piena

 

Qualche gesto et parola

mormorata appena

quieti sguardi di brace

velati dalla cenere

e fuori il rombare della piena

acque alberi mota

tolti da qualche luogo

qui scagliati a formare

la nuova terra il nuovo mare.

 

       Non si evade

Non si evade da questa stanza

de quanto qui dentro non accade.

 

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre, traduction

Philippe Di Meo, L'atelier la Feugraie, 2010,

p. 65 et 64.

 

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05/03/2013 | Lien permanent

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre

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               Rêve d'hiver

 

Ce foisonnement estival

tournoiement de mouches

dans une pièce hivernale...

La pensée est une opaque

matière tressaillante

dans ce bourdonnement

il dort barricadé

au sein des lois de l'heure

tel un poulpe cramponné

à son rêve d'hiver

il ouvre parfois un œil

si soleil et braise brillent vaguement

mais il ne voit pas.

 

 

 

               Sogno d'inverno

 

Questo rigurgito estivo

mulinello di mosche

in una stanza invernale...

Il pensiero è un'opaca

materia trasalita

al ronzìo

egli dorme rinchiuso

tra le leggi del momento

come un polipo aggrappato

al suo sogno d'inverno

apre un occhio talvolta

se sole e brace balùginano

ma non vede.

 

Bartolo Cattafi,  L'alouette d'octobre, traduction de

l'italien par Philippe Di Meo, Atelier La Feugraie,

2010, p. 57 et 56.

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16/05/2013 | Lien permanent

James Sacré, Écrire à côté

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Un restaurant dans Paris

 

   Ce 3 décembre 1988

   Les peupliers ne sont plus qu’un peu de gris léger

   Sur la pierre ensoleillée des immeubles, quai d’Orléans

   Quai de Bourbon. On voit maintenant mieux

   Les taches de bleu que font les portes cochères dans les arcatures d’anciennes demeures.

   On y a découpé des portes plus petites, avec au-dessus une ou deux fenêtres, même un balcon.

   Une couleur d’un bleu comme ouvrier qui a

   Un air de dimanche matin dans ce début d’après-midi. Plus loin

   Voilà le restaurant du pont Louis-Philippe son blan cassé,

   Ses tables enchaînées devant, et quelque chose d’endormi

   Dans tout son intérieur : de l’indifférence ou comme une attente apaisée

   Pendant que s’écrit

   Ce 3 décembre léger dans les peupliers de Paris.

 

James Sacré, , dans Affaires d’écriture (2000), Tarabuste, 2016, p. 99.

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19/08/2016 | Lien permanent

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