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14/07/2025

Raymond Queneau, Chêne et chien

raymond queneau, chêne et chien, psychanalyse

Je me couchai sur un divan

et me mis à raconter ma vie,

ce que je croyais être ma vie.

Ma vie, qu’est-ce que j’en connaissais ?

Et ta vie, toi, qu’est-ce que tu en connais ?

Et lui, là, est-ce qu’il la connaît, sa vie ?

Les voilà tous qui s’imaginent

que dans cette vaste combine

ils agissent tous comme ils le veulent

comme s’ils savaient ce qu’ils voulaient

comme s’ils voulaient ce qu’ils voulaient

comme s’ils savaient ce qu’ils savaient.

Enfin me voilà donc couché sur un divan près de Passy.

Je raconte ce qu’il me plaît :

je suis dans le psychanalysis.

Naturellement je commence

par des histoires assez récentes

que je crois assez importantes

par exemple que je viens de me fâcher avec mon ami Untel

pour des raisons confidentielles

mais le plus important

c’est que je suis incapable de travailler

bref dans notre société

je suis désadapté inadapté

né-

vrosé

un impuissant alors sur un divan

me voilà donc en train de conter l’emploi de mon temps.

(…)

Raymond Queneau, Chêne et chien, Œuvres complètes I, Pléiade/Gallimard, 1989, p. 21-22.