06/06/2021
Mariella Mehr, Arrivée, mais où ?
Arrivée, mais où ?
Aucun phare ne signale l’endroit.
De loin l’appel des marées rengaine
rythmée, tels des feux de joie
salamandrins dans la nuit.
Un poisson me happe,
écorche ce qui me restait du jour.
Le déchiquète, mâche
et le recrache intact dans le vent,
comme si j’étais le cœur de Prométhée
et lui, l’aigle éternel des Dieux.
Devant la mort je passe,
trop hardiment me semble-t-il,
car la voici qui rit, qui rit
en jouant sur sa flûte
la mélodie de mort.
Et toi, époque démontée,
où me fais-tu échouer ?
Quelques instants
fatals plus tôt,
tu la sais, la vie
m’attend encore et
un lumineux bourgeon soleil.
Mariella Mehr, traduction de l’allemand
Camille Luscher, dans la revue de belles-lettres
2020, 1-2, p. 37.
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26/01/2021
Mariella Mehr, L’Échelle du mendiant ou les poètes volés
L’Échelle du mendiant ou les poètes volés
[...] La faim lancinante après deux ou trois heures faisait partie de ma vie comme le sentiment de n’être chez moi nulle part ni auprès de personne.
Pourtant j’ai volé comme un mendiant. Pas du pain ni du lait mais du savoir qui m’était caché. Que ce savoir ne se trouve que dans les livres ne faisait pour moi aucun doute. Il me fallait donc les livres. Où en trouver, sinon en volant ?
Je me souviens du sentiment palpitant, presque inquiétant, après mon premier vol de livres. Je me sentais comme le conquérant d’un trésor longtemps désiré et recherché, qu’on ne me prendrait jamais plus. Que je sois tombée précisément sur L’Échelle du mendiant, le recueil de poèmes de Christine Lavant paru en 1956, je le dois au hasard. Le livre se trouvait près de la porte d’entrée de la librairie et avait attiré mon attention par la grossière gravure au bois de sa jaquette. Je n’avais encore jamais vue d’image de la souffrance aussi nue et aussi vive.
Mariella Mehr, L’Échelle du mendiant ou les poètes volés, traduction de l’allemand par Nathalie Garbely, dans la revue de belles-lettres, 2020, 1-2, p. 39.
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