06/04/2020
Pïerre de Ronsard, Folastries
Folastrie III
Et cependant que la jeunesse,
D’une tremoussante souplesse,
Et de maniments fretillars
Agitait les rougnons paillars
De Catin à gauche et à destre ;
Moine, chanoine ou cordelier,
N’a refusé son hatelier (= ratelier].
Car le mestier de l’un sus l’autre
Où l’un dessus l’autre se veautre,
Luy plaisoit tant qu’en remuant,
En haletant, et en suant,
Tel bouc sortoit de ses aisselles,
Et tel parfum de ses mamelles,
Qu’au mont Liban ensafrané
En eust esté bien embrené.
Ceste Catin, en sa jeunesse,
Fut si nayve de simplesse,
Qu’autant le pauvre luy plaisoit
Comme le riche, et ne faisoit
Le soubresaut pour l’avarice,
Mais elle disoit que c’estoit vice
De prendre chaîne ou diamant
Du pauvre ny de riche amant,
Pourveu qu’il servist bien en chambre
Et qu’il n’eust plus d’un pied de membre ;
Autant le beau comme le laid,
Et le maistre que le valet,
Estoient repus de la doucette
A la luitte [= lutte] de la fossette,
Et si bien les resecouoit,
Les repoussoit et remouvoit
De mainte paillarde venue,
Qu’après la fievre continue
Ne falloit point de les saisir
Pour payment d’avoir fait plaisir
A Catin, sans jamais soulée,
De tuer, pour estre foulée,
Et qui de tourdions [= contorsions] a mis
Au tombeau ses plus grands amis.
[...]
Pierre de Ronsard, Livret de folastries, édition
Van Bever, Mercure de France, 1919, p. 60-62.
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