09/01/2017
Bernard Noël, Monologue du nous
Monologue du nous
… Nous avons perdu nos illusions, et chacun de nous se croit fortifié par cette perte, fortifié dans sa relation avec les autres. Nous savons cependant que nous y avons égaré quelque chose car la buée des illusions nous était plus utile que leur décomposition. Nous oublions ce gain de lucidité dans son exercice même. Nous n’en avons pas moins de mal à mettre plus de raison que de sentiment dans notre action. Nous aurions dû depuis longtemps donner sa place au durable, mais la séduction s’est toujours révélée plus immédiatement efficace. Nous avions toutes els raisons de penser grâce à notre époque qu’un approbation, si elle est massive, ne peut qu’assurer l’avenir. Nous avons vite déchanté sans comprendre d’abord qu’il n’en va pas de l’engagement collectif comme du commerce, et que les lois de ce dernier ne provoquent que des excitations éphémères.
Bernard Noël, Monologue du nous, dans La Comédie intime, Œuvres iv, P.O.L, 2015, p. 383.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Noël Bernard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bernard noël, monologue du nous, dans la comédie intime, illusions, collectif | Facebook |