Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/01/2023

Cesare Pavese, Travailler fatigue

 

Unknown.jpeg

                      Paysage VII

 

Un peu de jour suffit dans ses yeux transparents

comme le fond d’une eau, et la colère la prend,

aspérité du fond que ride le soleil.

Le matin qui revient et la trouve vivante,

n’est bon ni n’est doux : il la regarde immobile

entre les maisons de pierre qu’enserre le ciel.

 

Son corps frêle sort entre ombre et soleil

comme un lent animal, épiant tout autour,

et ne voyant rien d’autre si ce n’est des couleurs.

Les vagues ombres qui habillent la rue et son corps

rembrunissent ses yeux qui s’entrouvrent à peine

comme une eau, et dans l’eau une ombre transparaît.

 

Les couleurs reflètent le ciel calme.

Le pas lui aussi qui foule lentement le pavé

semble fouler les choses, pareil au sourire

qui les ignore et qui glisse sur elles comme une eau

transparente. Dans l’eau passent de vagues menaces.

Chaque chose à la lumière du jour se voile à l’idée

que la rue, si ce n’est sa présence, est déserte.

 

                    Paesaggio VII

 

Basta un poco di giorno negli occhi chiari

come il fondo di un’acqua, e la invade l’ira,

la scabrezza del fondo che il sole riga.

Il mattino che torna et la trova viva,

non è dolce né buono : la guarda immoto

tra le case di pietra, che chiude il cielo.

 

Esce il piccolo corpo tra l’ombra e il sole

come un lento animale, guardandosi intorno,

non vedendo null’altro se non colori.

Le ombre vaghe che vestono la strada e il corpo

le incupiscono gli occhi, socchiusi appena

come un’acqua, e nell’acqua traspare un’ombra.

 

I colori riflettono il cielo calmo.

Anche il passo che calca i ciottoli lento

sembra calchi le cose, pari al sorriso

che le ignora e le scorre come acqua chiara.

Dentro l’acqua trascorrono minacce vaghe.

Ogni cosa nel giorno s’inscrespa al pensiero

che la strada sia vuota, se non per lei.

 

Cesare Pavese, Travailler fatigue (Lavorare stanca), édition bilingue, traduit de l’italien et préfacé par Gilles De Van, Gallimard, 1969, p. 91 et 90.

 

                          

Les commentaires sont fermés.