04/08/2017
Jean Genet, Le funambule
Le funambule
J’éprouve comme une curieuse soif, je voudrais boire, c’est-à-dire souffrir, c’est-à-dire boire mais que l’ivresse vienne de la souffrance qui serait une fête. Tu ne saurais être malheureux par la maladie, par la faim, par la prison, rien ne t’y contraignant, sois-le par ton art. Que nous importe — à toi et à moi — un bon acrobate : tu seras cette merveille embrasée, toi qui brûles, qui dure quelques minutes. Tu brûles. Sur ton fil et la foudre. Ou si tu veux encore, un danseur solitaire. Allumée je ne sais par quoi qui t’éclaire, te consume, c’est une misère terrible qui te fait danser. Le public ? Il n’y voit que du feu, et, croyant que tu joues, ignore que tu es l’incendiaire, il applaudit l’incendie.
Jean Genet, Le funambule, dans Œuvres complètes, V, Gallimard, 1979, p. 21
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