07/11/2012
Claude Chambard, Cet être devant soi
J'ignore l'année, j'ignore la saison, je ne sais quand la promesse n'a plus été tenue. Je criais dans le noir, tête bêche dans le lit, étouffé par l'édredon silourd, j'ouvrais les bras en vain. Je n'acceptais pas de vivre dans la terreur. J'ai perdu. C'est ainsi que je suis mort. C'est ainsi que j'ai ramassé mes vêtements & que je suis passé du côté des mortels. C'est ainsi que tu as fait mon portrait pour que je puisse avoir un visage & que je guérisse, que je guérisse d'Elle. Tu as dessiné mon visage quotidien, tu l'as apprivoisé, rendu possible, visible. C'est un visage qui me fait bon usage. Il se défraîchit un peu, mais c'est la suite des jours & des nuits tout simplement. Je sais maintenant qu'il n'y a pas de Paradis, que l'on peut vivre sans, que l'on peut aimer sans s'alarmer. Nous n'en savons rien — pourtant. Quand tu oublies je me souviens. Quand j'oublie tu te souviens. Hui, nous faisons ce qui est possible. C'est peu. C'est suffisant pour tenir l'un & l'autre au fil de mots communs.
*
Sur le motif
en haut de la colline
peinture à la plume
légèreté acérée
mordre le papier
entrer dans la matière
creuser le sillon
— nuées d'oiseaux blancs —
la ville qui dort toi
colombe verte
dans la chambre secrète
la moiteur des draps
autour du corps qui souffre
le gant de toilette sur le front
tu t'éveilleras légère
guérie des fracas de la nuit
en haut de la colline
sur le motif
Claude Chambard, Cet être devant soi, encres de Anne-Flore Labrunie, Æncrages, 2012, np.
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