07/01/2012
Raymond Queneau, Si tu t'imagines
Le chardon
Quand bien même serai-je à l'étal de boucherie
Exposé dépecé comme un très pauvre bœuf
Quand bien même mon chef aux narines fleuries
D'un œil glauque attendrait l'oignon et le cerfeuil
Quand bien même mon ventre aux tripes déroulées
À la curiosité s'ouvrirait bien sanglant
Quand bien même mon cœur sur une assiette ornée
Rejoindrait mon cerveau, mon foie et mes rognons
Nul ne saurait trouver parmi mes côtelettes
Mes viscères et mes abats
Le chardon qui fleurit semé par la conquête
Que rien ne déracinera
Le vivace chardon qui plante ses racines
Dans les sols les plus secs et les plus rebutants
La chardon sans pitié qui frotte ses épines
Pour de rudes douleurs parallèles au temps
Raymond Queneau, Si tu t'imagines, "Le Point du jour",
Gallimard, 1952, p. 166-167.
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