04/04/2011
Marie Étienne, "Postface" de Haute lice
À proprement parler, le sens ne compte pas vraiment, ou bien ni plus, ni moins, que la sonorité, le rythme et le suspens, c’est ainsi que les choses se passent. Alors un manuscrit, c’est-à-dire un agrégat de mots, ressemble au matériau du fabricant — le ciment du maçon, la pâte du boulanger ou l’argile du potier — il se malaxe, il se travaille, il s’échafaude. Parfois il sert et il ressert à plusieurs fins, pas tout à fait définitif. Ce qui le constitue est à la fois aléatoire et primordial. Ainsi s’expliquent les redites, les recommencements. C’est comme si, au fond, on disposait d’un stock, limité au départ, et qui serait utilisé à des fins différentes. On pourrait en changer, s’en reconstituer un neuf, mais non, merci, on n’y tient pas, on conserve celui-là qui remplit son office.
Marie Étienne, "Postface" de Haute lice, éditions José Corti, 2011, p. 171
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