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James Joyce, Finnegans Wake

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(…)

   Entends, Ô monde du dehors ! Notre petit bavardage ! Soyez attentifs citoyens des villes et des bois ! Et vous les arbres, donnez votre écot !

   Mais qui vient par ici avec ce feu au bout d’une perche ? Celui qui rallume notre maigre torche, la lune. Apporte les ramours d’olive sur la boue des maisons et la paix aux tentes de Cèdre. Néomène ! Le banquet du tabernacle s’approche. Shop-shup. Inisfail ! Tinkle Bell, Temple Bell ; ding ding disent les cloches du Temple. Sur un ton de synéglogue. Pour tous ceux d’esprit vif. Et la vieille sorcière qu’on damanomme Couvrefeu siffle de son allée. Et hâtez-vous, c’est l’heure pour les enfants de rentrer à la maison. Petits, petits enfants, rentrez chez vous dans vos chambres. Rentrez chez vous vivement, oui petits petits, allez, quand le loup-garou est dehors. Ah, éloignons-nous, réjouissons-nous, restons chez nous où la bûche dans son foyer brûle lentement !

(…)

 

James Joyce, Finnegans Wake, traduit de l’anglais par Philippe Lavergne, Gallimard, 1982, p. 262-263.

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05/08/2016 | Lien permanent

Mario Luzi, Pour le baptême de nos fragments

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Elle s’ouvrit, eau de roche

 

Elle s’ouvrit, eau de roche,

goutta, veine indécise

jusqu’à un gargouillis de source

sous le soleil qui l’incendie —

et voici qu’elle inonde

                                   les ruisseaux

de son ravinement

et l’arche de son rebond,

eau et feu, maintenant,

                                    et enfance

devenue langage

clair et sourd, changeant et éternel,

dents et barbe des prophètes

en ruisselant comme  stalactites et mousse

dans les âges arides,

                                   en des terres désertes

elle épandue à chaque baptême.

Avec elle autrefois j’ai fait mainte ripaille

mais sans rien dissiper : rien.

Ainsi parle la parole,

de cela témoigne le témoignage.

 

Mario Luzi, Pour le baptême de nos fragments, traduction

Philippe Renard et Bernard Simeone, Flammarion,

1987, p. 269.

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16/05/2020 | Lien permanent

Eduard Möricke, Poèmes / Gedichte, traduction de Nicole Taubes : recension

 

images.jpegD'Eduard Mörike (1804-1875), on peut lire en français Le peintre Nolten, roman de formation  qui contient quelques poèmes (1), et Le voyage à Prague de Mozart, dont il existe plusieurs éditons en format de poche. Quant à son œuvre poétique, elle est fort peu connue, si ce n'est par les amateurs de lieder : Hugo Wolf a mis en musique 53 poèmes. Le recueil de poésies (Gedichte), publié en 1838 et constamment augmenté du vivant de l'auteur, comprend un peu plus de 200 pièces, proposées une première fois en français par Raymond Dhaleine en 1944. Il faut se féliciter que Nicole Taubes, par ailleurs traductrice de Thomas Mann et de Henrich Heine, se soit attelée à ce vaste ensemble : la virtuosité de Mörike, son usage de formes et de mètres multiples rendent difficile le passage dans notre langue.

Eduard Mörike est entré au séminaire d'Urach, dans le Jura souabe, puis dans celui de Tübingen comme avant lui Hölderlin et Schelling. La vie de pasteur ne lui convenait pas et il finit par l'abandonner pour enseigner dans un pensionnat de jeunes filles à Stuttgart, mais l'enseignement qu'il avait reçu lui donna le goût des littératures grecque et latine. À côté des traductions qu'il publia, il a emprunté des genres à l'Antiquité, imité ses poètes préférés — "Acmée et Septimius", d'après Catulle, plusieurs fois présent — et les a régulièrement cités : Tibulle, Anacréon, Erinna, élève de Sappho, ou leur a rendu hommage : « Ô laisse-moi te célébrer, Théocrite aux multiples grâces ! » ("Théocrite").

On pourrait lire Mörike comme un poète résolument tourné vers le passé, il n'accorde en effet quasiment aucune place aux événements qui transformèrent le XIXe siècle, contrairement à son contemporain Heine. Son entourage n'est pas absent, mais en dehors d'une "Cantate pour l'inauguration de la statue de Schiller" (1839), il est présent dans des pièces de circonstance, parfois de quelques vers, écrites à l'occasion d'un anniversaire, d'un mariage, d'un retour de cure, ou à propos de la mort d'un oiseau, du jouet d'un enfant, quand ce n'est pas pour déplorer la présence de moustiques qui gênent une promenade et empêchent la lecture au pied d'un arbre ("La plaie de la forêt"). On peut ajouter la satire de ceux qui s'imaginent importants et ont un air très ou, dernière pièce du volume, le congé donné au critique seulement soucieux de la taille du nez du narrateur : celui-ci lui « applique de tout cœur / Le bout de [son] soulier / Sur sa partie charnue, au bas du postérieur » ("Le congé").

On pourrait donc à juste titre se désintéresser d'une poésie trop tournée vers des modèles anciens et se vouant à rimer à propos de futilités. Ce serait aller bien vite en besogne. Ce n'est pas le "sujet" d'un poème qui importe, mais le travail dans la langue (voir Mallarmé), et si Mörike était nourri de l'Antiquité, il n'était guère différent en cela de beaucoup de poètes romantiques en Europe et il a souvent privilégié les mêmes motifs qu'eux. Il apprécie les petits faits de la vie quotidienne, les lieux sans apprêts, qu'il évoque en les transformant, par exemple pour exalter le sentiment de l'amitié (« De nouveau tu m'emplissais l'âme / Comme un frère ne le pourrait pas, comme jamais une femme ») ou, devant la nature, pour exprimer la faiblesse humaine ; ainsi dans la longue méditation après un voyage à Urach où il avait commencé ses études : « Au long des jours, des ans, tu [=la nature] restes immuable, / Et souffres sans douleur le passage du temps. »

La nature est aussi lieu du merveilleux, domaine des forces bienfaisantes ou pleines de malice. Ici, « l'étang s'agrandit, devient une mer », là on voit « un squelette / À cheval sur des ossements », ou "l'homme impavide" descendre au pays des morts, ou encore Greth la mauvaise commander aux éléments, tuer le fils du roi qui l'a négligée, puis « Elle, avec un lugubre chant, / Jette alors son corps à la mer ». On lira d'autres minuscules tragédies, mais aussi le conte des deux cigognes venues annoncer une double naissance ou celui des fantômes du tonnelier du château de Tübingen qui se manifestent de manière facétieuse.

Ce goût du conte, Mörike l'a revendiqué, notant qu'avec Grimm « Au merveilleux, j'ouvris mes sens : j'entrai dans le monde des fées, / Et la forêt devint plus claire, étrange le chant du coucou ! ». À la vie parallèle, celle où les lois naturelles ne sont plus observées, s'ajoute la rêverie qui modifie le réel selon le désir. "Rêver", "rêve", voilà des mots qui reviennent sans cesse dans les poésies, dès les premières écrites en 1820 : « Seul, en silence, sur mon siège / Je me berce de mille rêves ». On multiplierait les exemples, qui indiquent la difficulté à supporter le réel : « Si j'ouvre grand les yeux, je suis pris de vertige ; / Alors je les referme et je retiens le rêve. » C'est là encore un des motifs du romantisme européen, le gouffre entre les désirs et le vécu, et le refuge dans le rêve :

Le poète souvent s'exalte à des chimères,

Peines de cœur, belles amours imaginaires [...]

Je veux croire si fort sans bornes mon bonheur

Que souvent je me perds dans le rêve éveillé.

Ces amours imaginées sont souvent pleines de sensualité, le narrateur « dévoré de l'envie et du désir d'elle » demande à la femme de lui accorder une faveur : « Laisse-moi seulement plonger mon front, mes yeux, / Dans l'épaisse toison bouclée de tes cheveux », et il se souvient, lui dit-il, qu'« Au sang nos lèvres se mordirent / Ce matin, en nous embrassant » ; etc.

Amours imaginées, imaginaires : prétexte à multiples variations, motif d'écriture, comme le spleen dont on relèvera également l'expression : « Ce que je pleure, je ne sais, / C'est un mal qu'on ne connaît pas », ou : « Quelle mélancolie vient embuer mes yeux ? » Motif d'écriture, certes. Et Mörike insiste sur « le non-dit des mots et tout leur invisible », rappelle par une image que le poème ne naît pas aisément : « gratte encore un peu le sol : / La poésie , qu'est-elle d'autre ? », revient régulièrement sur ce qui compte avant tout, « retenir, grâce à la forme, / Tout cela [la beauté, la vie de la nature] pour l'éternité ! ». C'est là un programme qu'aurait approuvé en France un Baudelaire. Il faut lire Mörike !


Eduard Mörike, Poèmes / Gedichte, traduction, notice biographique et éditoriale de Nicole Taubes, introduction de Jean-Marie Valentin,  Les Belles Lettres, 2010.

Cette note a d'abord été publiée dans la revue Europe, 2011. 


1  Traduction par Louise Servicen, notice et notes de Jean-Claude Schneider, dans Romantiques Allemands, tome II, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1973.

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11/01/2012 | Lien permanent

Mario Luzi, Pour le baptême de nos fragments

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Genera azzurro, l’azzurro,

si sfalda e si riforma

nelle sue terse rocce,

si erge in obelischi, scende

nelle sue colate e frane

di buio e trasparenza, migra

nell’azzurro fumigando, azzurro

in azzurro sempre —

    sale

su, a volte,

affonda

il desiderio

in quella luminosa carne

di quel nume

  di quel caos

ed ecco

gli si apre,

cielo, sì, e gorgo

lo spazio da ogni parte —

ma è lo spazio

quello ? o il tempo

prima e dopo il tempo, l’onnipresente ?

o l’uno e l’altro o niente di questo…

 

oscilla e vi si perde,

desiderio d’uomo

lasciato dalla sua storia, oh sola

felicità, s’inebria

egli di quella, non ha sede, non ha memoria…

 

 

L’azur engendre l’azur,

s’effrite et se reforme

dans ses roches limpides, s’érige en obélisques, dévale

ses coulées, ses éboulis

de nuit et transparence, migre

dans l’azur en fumant, azur

dans l’azur toujours —

il monte

parfois,

     il sombre

le désir

     dans la chair lumineuse

de ce génie

de ce chaos

       et voici

que s’ouvre à lui,

        ciel, oui, et gouffre

l’espace de toutes parts —

mais est-ce là

l’espace ? ou le temps

avant et après le temps, l’omniprésent ?

ou l’un et l’autre ou rien de cela…

 

il oscille et s’y perd,

désir d’homme

     abandonné par son histoire, oh seul

bonheur, dont il

s’enivre, il n’a pas d’assise, pas de mémoire…

 

Mario Luzi, Pour le baptême de nos fragments, traduit de l’italien par Philippe Renard et Bernard Simeone, Flammarion, 1987, p. 236-237.

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08/06/2011 | Lien permanent

Giorgio Caproni, Le Mur de la terre

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          Condition

 

 

Un homme seul,

enfermé dans sa chambre.

Avec toutes ses raisons.

Tous ses torts.

Seul dans une chambre vide,

à parler. Aux morts.

 

           Condizione

 

Uno uomo solo,

chiuso nella sua stanza.

Con tutte le sue ragioni.

Tutti i suoi torti.

Solo in una stanza vuota,

e parlare. Ai morti.

 

                                  *

 

              L'emmuré

 

« Vous m'avez fusillé

la bouche », dit-il. « J'ai tant

aimé (id est cherché

l'amour que je me retrouve

maintenant emmuré

dans cette tour. Au-dehors

est le désert du soleil,

des orties — le gel

ébloui du jour

est le glacier. À l'intérieur,

sur mon égoïsme

tout entier rimé, le four

aveugle de mon altruisme

effaré et non regretté. »

 

                 Il murato

 

« M'avete fucilato

la bocca, » disse « Ho tanto

amato (idest cercato

amore) ch'ora

io mi trovo murato

in questa torre. Fuori,

è il deserto del sole

e delle ortiche — il gelo

abbagliato del giorno

sul ghiacciaciaio. Dentro,

rimato tutt'intero

col mi egoismo, il forno

cieco del mio sgomentato

illacrimato altruismo. »

 

Giorgio Caproni, Le Mur de la terre, traduit de l'italien

par Philippe Di Meo, Atelier La Feugraie, 2002, p. 25

et 24, 113 et 112.

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11/01/2013 | Lien permanent

Andrea Zanzotto, Essais critiques

Andrea Zanzotto, essais critique, Paul Celan, poésie, Auschwitz, histoire

                                    Pour Paul Celan

 

   Pour quiconque, et tout particulièrement pour qui écrit des vers, prendre contact avec la poésie de Celan, fût-ce en traduction et sous une forme partielle et fragmentaire, se révèle bouleversant. Celan mène à bien ce qui ne semblait pas possible : non seulement écrire de la poésie après Auschwitz, mais encore écrire "dans" ces cendres-là pour aboutir à une autre poésie en pliant cet anéantissement absolu, tout en demeurant, d'une certaine façon, au sein de cet anéantissement. Celan traverse ces espaces effondrés avec une force, une douceur et une âpreté qu'on n'hésiterait pas à qualifier d'incomparables : mais frayant son chemin à travers les encombrements de l'impossible, il engendre une éblouissante moisson d'inventions, d'une importance décisive pour la poésie de la seconde moitié du XXe siècle, européen et au-delà, celle-ci se révèle néanmoins exclusives, excluantes, sidéralement inégalables, inimitables. Toute herméneutique, que toutefois elles attendent et prescrivent impétueusement, s'en trouve mise en crise.

   Au reste, Celan avait toujours su que plus son langage allait de l'avant, plus il était voué à ne pas avoir de signification, pour lui, l'homme avait déjà cessé d'exister. Même si d'incessants sursauts de nostalgie pour une autre histoire ne font pas défaut dans ses écrits, celle-ci lui apparaît comme le développement d'une négation insatiable et féroce : le langage sait qu'il ne peut se substituer à la dérive de la déstructuration pour la transformer en quelque chose d'autre, pour en changer le signe : mais, dans le même temps, le langage doit "renverser" l'histoire, et plus que l'histoire, même s'il se révèle tributaire d'un tel monde, il doit le "transcender" pour en signaler au moins les effroyables déficits.

[...]

 

Andrea Zanzotto, Essais critiques, traduits de l'italien et présentés par Philippe Di Meo, éditions José Corti, 2006, p. 17-18. 

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28/03/2013 | Lien permanent

Hölderlin, Hypérion, Fragment Thalia

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                           Fragment Thalia

 

   Il est pour l’homme deux états idéaux : l’extrême simplicité où, par le seul fait de l’organisation naturelle, sans que nous y soyons pour rien, nos besoins se trouvent en accord avec eux-mêmes, avec nos forces et l’ensemble de nos relations, et l’extrême culture, où le même résultat est atteint, les besoins et les forces étant infiniment plus grands et plus complexes, grâce à l’organisation que nous sommes en mesure de nous donner. L’orbite excentrique que l’homme (l’espèce aussi bien que l’individu) parcourt d’un point à l’autre, c’est-à-dire de la simplicité plus ou moins pure à la culture plus ou moins accomplie, paraît être toujours identique à elle-même, du moins dans ses directions essentielles.

   Les lettres, dont ce qui suit n’est qu’un extrait, se proposent de décrire quelques-unes de ces directions, ainsi que les corrections dont elles sont susceptibles.

   Le rêve de l’homme est à la fois d’être en tout et au-dessus de tout, et la sentence que l’on peut lire sur la tombe de Loyola : « Non coerciti maximum, contineri tamen a minimo »(1), peut aussi bien définir ce dangereux penchant à tout convoiter et à tout dominer que le pus haut et le plus bel état que l’homme puisse atteindre. Laquelle de ces deux interprétations choisir, c’est à la libre volonté de chacun d’en décider.

 

Hölderlin, Hypérion, Fragment Thalia, dans Œuvres, sous la direction de Philippe Jaccottet, Pléiade / Gallimard, 1967, p. 113 ; traduction P. Jaccottet.

 

  1. "Ne pas être limité par le plus grand et n'en tenir pas moins dans les limites du plus petit

 

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15/08/2016 | Lien permanent

Hölderlin, Lettre à sa mère, dans Œuvres

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À sa mère

                                     Francfort, le .... novembre 1797

 

[...]

   Vous me demandez quel est mon sentiment actuel, au moment où je vous écris. Pour parler franc je dois dire que je suis en désaccord avec moi-même. D'un côté le souci raisonnable de mon caractère qui supporte à peine les impressions contradictoires auxquelles m'expose ma situation et les besoins les plus justifiés de mon esprit semblent exiger que je quitte un état où se forment toujours deux parties, l'un pour et l'autre contre moi, dont l'un me rend presque exalté et l'autre très souvent morne, abattu et parfois un peu amer. Tel fut, tout au long de ces deux années, mon sort constant, et c'était inévitable, je l'avais nettement prévu dès les premiers mois. Sans doute, le mieux eût été de maintenir des rapports aussi vagues que possible avec les deux parties, en me tenant tranquillement à l'écart. Cela est faisable quand on vit chez soi, mais pas dans une position où l'on est forcé d'avoir de nombreuses relations. Vous pensez bien que, dans une situation que l'on tient à conserver, on ne peut pas toujours agir selon son idée. J'ai donc dû m'exposer plus ou moins aux rencontres de tout genre, chose inévitable pour n'importe qui dans une position comme la mienne, à moins de devenir un zéro complet. Or, je le répète, je suis convaincu que si je suis obligé de prolonger cette expérience de deux années, ce sera toujours plus ou moins au détriment de mon caractère et de mes forces ; mon devoir semble donc m'imposer le choix d'un état qui comporterait moins de dispersion. Je connaîtrais beaucoup moins de conflits de ce genre , si par exemple, je répartissais mon enseignement entre diverses maisons d'ici ou de Mannheim, ou d'une autre grande ville [...].

 

Hölderlin, Œuvres, publié sous la direction de Philippe Jaccottet, traduction des Lettres par Denise Naville, Pléiade, Gallimard, 1967, p. 429-430.

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09/10/2014 | Lien permanent

Giogio Manganelli — Samuel Beckett

                                   Samuel Beckett, rondeau, Giogio Manganelli, la littérature comme mensonge

(à propos des poèmes de Beckett traduits en italien par J. Rodolfo Wilcox)

 

   Des poèmes difficiles, non paraphrasables, obscurs ; élusifs et agressifs : ils infligent au lecteur une sorte d'agression sonore, une aigreur phonique louche et batailleuse. Il y a quelque chose de branlant et de lacéré, dans un anglais hérissé de consonnes, lourdement ambigu, où les mots se juxtaposent durement, sans le garde-fou d'aucune syntaxe. Il s'agit d'une langue mue par une fureur coprolalique et blasphématoire  à peine contenue : elle oscille entre l'impiété intellectuelle et la sordide hilarité plébéienne, elle s'alimente au trouble mélange vocal, à la fois vulgaire et cultivé, que Joyce a le premier saisi dans les bordels de son Dublin biéreux et catholique.

 

Giorgio Manganelli, La littérature comme mensonge, traduction de l'italien par Philippe Di Meo, L'arpenteur, 1985, p. 108.

 

Roundelay

 

on all that strand

at end of  day

steps sole sound

long sole sound

until unbidden stay

then no sound

on all that strand

long no sound

until unbidden go

steps sole sound

long sole sound

on all that strand

at end of day

 

                                   (1976)

 

Samuel Beckett, Collected Poems, John Calder, London, 1984, p. 35.

 

Rondeau

 

tout au long de ce rivage

à la tombée du jour

seul bruit les pas

seul bruit longuement

jusqu'à s'arrêter sans raison

alors aucun bruit

tout au long de ce rivage

aucun bruit longuement

jusqu'à repartir sans raison

seul bruit les pas

seul bruit longuement

tout au long de ce rivage

à la tombée du jour

 

Samuel Beckett, Peste soit de l'horoscope, traduit de l'anglais et présenté par Édith Fournier, Minuit, 2012, p. 36.

 

 

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29/11/2014 | Lien permanent

Stamatis Polenakis, ”Les escaliers d'Odessa”, traduction de Myrto Gondicas

Stamatis Polenakis, "Les escaliers d'Odessa", traduction de Myrto Gondicas, Odessa, Trieste, Sibérie,mouette, mort

Viola d'amore

 

Olga, si je meurs aujourd'hui,

j'espère que demain tu m'oublieras.

Rappelle-toi seulement le bateau entre Odessa

et Trieste, un après-midi d'été

dans une vie lointaine, et, oublié même de Dieu,

l'orchestre qui jouait des chansons russes populaires

sur le port ; l'étudiant

Trofimov, qui voyageait avec nous

et qui plus tard a disparu en Sibérie.

Surtout rappelle-toi les mouettes,

elles étaient très blanches et elles nous ont accompagnés

tout au long du voyage, en volant plus vite

que les vagues même.

Ich sterbe, Olga.

Aujourd'hui je meurs pour toujours.

 

 

Stamatis Polenakis, "Les escaliers d'Odessa", traduction de Myrto Gondicas, dans la revue de belles-lettres, 2014, I, p. 71.

 

Annonce :

 

 

 

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L'A C A D E M I E   D'A R C H I T E C T U R E

 

 

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UN ENTRETIEN AVEC JACQUES FERRIER ET PHILIPPE SIMAY

MIS EN IMAGE PAR PAULINE MARCHETTI

 

NUMÉRO ZÉRO est une revue expérimentale à ciel ouvert qui s’intéresse à l’écriture comme processus de travail, en amont de sa formalisation définitive et sous toutes ses formes. C’est un laboratoire de création qui invite des écrivains et des artistes à participer pendant un an à des rencontres publiques mensuelles, à un site internet, à une édition papier, et à prendre en charge une rubrique dans chacun de ces formats.

entrée gratuite

Durée 1h

L'entretien sera suivi d'une dégustation de vins en partenariat avec R'Vinum

 ACADEMIE D'ARCHITECTURE

HOTEL DE CHAULNES

9 PLACE DES VOSGES

75004 PARIS

revuenumerozero.fr

 

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07/11/2014 | Lien permanent

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