Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : philippe raymond

Giuseppe Ungaretti, Vie d'un homme

 

giuseppe ungaretti,vie d'un homme,philippe jaccottet,soir

 

     Du soir

 

Dans les soupirs humides de ta nudité

Tu dérobes un secret. Souriant,

 

Rien, retenant son souffle, n'est plus doux

Que de t'entendre consumer

Au soleil moribond

L'ultime flamboiement de l'ombre, terre !

 

                 Soir

 

Aux pieds des pas du soir

Coule une eau claire

Couleur d'olive,

 

Jusqu'au feu bref et sans mémoire.

 

À cette heure dans la fumée j'entends rainettes et grillons,

 

Où tremblent tendres les herbes.

 

Giuseppe Ungaretti, Vie d'un homme, Poésie 1914-1970,

Préface de Philippe Jaccottet, Poésie / Gallimard, 2005 [1973], p. 158 (traduction Ph. Jaccottet), 163 (traduction Jean Lescure).

Lire la suite

02/08/2012 | Lien permanent

Ossip E. Mandelstam, Simple promesse

20081227-NKVD_Mandelstam.jpeg

Je ne sais s’il y a bien longtemps

Qu’on chante cette rengaine :

Sourdine aux feutres du voleur,

Au bourdon du roi des moustiques…

 

Je voudrais pour ne rien dire

Parler encore une fois,

Chuinter comme une allumette,

Houspiller la nuit, l’éveiller,

 

Soulever le bonnet de l’air

Suffoquant comme une javelle

Secouer et vider le sac

Bourré de grains de cumin,

 

Pour que le lien de sang rosé,

Carillon de ces herbes sèches,

Lien dérobé, soit retrouvé :

Outre-siècle, outre-fenil et rêve.

 

1922

 

Ossip E. Mandelstam, Simple promesse (choix de poèmes 1908-1937), traduits du russe par Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider, Postface de Florian Rodari, Genève, La Dogana, 1994, p. 50.

Lire la suite

16/10/2011 | Lien permanent

Jean Baptiste Chassignet, Le Mespris de la vie...

jean baptiste chassignet,mépris de la vie,poésie baroque

 Philippe de Champaigne, Vanité, allégorie du temps qui passe avec crâne et sablier

 

Tantost la crampe aux piés, tantôt la goute aus mains,

Le muscle, le tendon, et le nerf te travaille,

Tantost un pleuresis te livre la bataille,

Et la fiebvre te poingt de ses trais inhumains.

 

Tantost l’aspre gravelle espaissie en tes reins

Te pince les boyaus de trenchante tenaille,

Tantost un apostume aux deus poumons t’assaille

Et l’esbat de Venus trouble tes yeux serains.

 

Ainsi en advient il à quiconque demeure

En la maison d’autry, mais s’il faut que tu meure,

Tu deviens aussi tout pensif et soucieus.

 

Helas ! aimes tu mieux mourir toujours en doute

Que vivre par la mort ? celuy qui la redoute

Ne fera jamais rien digne d’un homme preus.

 

Jean Baptiste Chassignet, Le Mespris de la vie et Consolation contre la mort, édition critique d’après l’original de 1594 par Hans Joachim Lope, Genève, Droz et Paris, Minard, 1967, p. 44-45.

Lire la suite

30/03/2011 | Lien permanent

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre, Philippe Di Meo, la crue, s'évader

    La crue

 

Quelques gestes ou paroles

murmurées à peine

paisibles regards de braise

voilés par la cendre

et dehors le grondement de la crue

eaux arbres bourbe

arrachés à quelque lieu

ici déversés pour former

une terre nouvelle une mer nouvelle

 

      On ne s'évade pas

 

On ne s'évade pas de cette pièce

de ce qui ici point ne survient

 

 

      La piena

 

Qualche gesto et parola

mormorata appena

quieti sguardi di brace

velati dalla cenere

e fuori il rombare della piena

acque alberi mota

tolti da qualche luogo

qui scagliati a formare

la nuova terra il nuovo mare.

 

       Non si evade

Non si evade da questa stanza

de quanto qui dentro non accade.

 

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre, traduction

Philippe Di Meo, L'atelier la Feugraie, 2010,

p. 65 et 64.

 

Lire la suite

05/03/2013 | Lien permanent

Bartolo Cattafi, L'alouette d'octobre

images-2.jpeg

               Rêve d'hiver

 

Ce foisonnement estival

tournoiement de mouches

dans une pièce hivernale...

La pensée est une opaque

matière tressaillante

dans ce bourdonnement

il dort barricadé

au sein des lois de l'heure

tel un poulpe cramponné

à son rêve d'hiver

il ouvre parfois un œil

si soleil et braise brillent vaguement

mais il ne voit pas.

 

 

 

               Sogno d'inverno

 

Questo rigurgito estivo

mulinello di mosche

in una stanza invernale...

Il pensiero è un'opaca

materia trasalita

al ronzìo

egli dorme rinchiuso

tra le leggi del momento

come un polipo aggrappato

al suo sogno d'inverno

apre un occhio talvolta

se sole e brace balùginano

ma non vede.

 

Bartolo Cattafi,  L'alouette d'octobre, traduction de

l'italien par Philippe Di Meo, Atelier La Feugraie,

2010, p. 57 et 56.

Lire la suite

16/05/2013 | Lien permanent

James Sacré, Écrire à côté

James-Sacre-Photo-Jeanne-Roux-2[1].jpg

Un restaurant dans Paris

 

   Ce 3 décembre 1988

   Les peupliers ne sont plus qu’un peu de gris léger

   Sur la pierre ensoleillée des immeubles, quai d’Orléans

   Quai de Bourbon. On voit maintenant mieux

   Les taches de bleu que font les portes cochères dans les arcatures d’anciennes demeures.

   On y a découpé des portes plus petites, avec au-dessus une ou deux fenêtres, même un balcon.

   Une couleur d’un bleu comme ouvrier qui a

   Un air de dimanche matin dans ce début d’après-midi. Plus loin

   Voilà le restaurant du pont Louis-Philippe son blan cassé,

   Ses tables enchaînées devant, et quelque chose d’endormi

   Dans tout son intérieur : de l’indifférence ou comme une attente apaisée

   Pendant que s’écrit

   Ce 3 décembre léger dans les peupliers de Paris.

 

James Sacré, , dans Affaires d’écriture (2000), Tarabuste, 2016, p. 99.

Lire la suite

19/08/2016 | Lien permanent

Giorgio Caproni, Le Mur de la terre

                                  giorgio_caproni2-300x256.jpg

            Il battait

                      (Hommage à Dino Campana)

Il battait le nom (il le battait

Précisément, comme

On bat de la monnaie) et la frappe

(mais celle-ci battait

obstinément), le sens

(la valeur) dans le vent

(dans le souffle de pandémonium

sur Oregina) heurté

se perdait dans la mer

d’aluminium — avec la morte

fumée de la cheminée

de la citerne, dont l’éclair

ferme qui, ferme, secouait

la tôle — que, encore,

lui, battait

obstinément (et battait) (comme

on bat une médaille) dans le nom

vide qui se perdait

au vent que, Lui, battait.

 

Giorgio Caproni, Le Mur de la terre,

traduction Philippe Di Meo , Atelier

La Feugraie, 2002, p. 49.

Lire la suite

06/05/2016 | Lien permanent

Jacques Réda, Mes sept familles : recension

 

Joue-t-on encore au jeu des sept familles ? Le jeu a pour but de rassembler le plus de fois possible six cartes dont les figures forment une des sept familles — le grand-père, la grand-mère, le père, la mère, le fils, la fille —, c’est-à-dire un groupe homogène. Retenons qu’aux sept poètes retenus, qui apparaissent par ordre alphabétique, manière de ne pas en privilégier un (Jean Follain, André Frénaud, Lorand Gaspar, Jean Grosjean, Louis Guillaume, Francis Ponge, Jean Tardieu), en est ajouté un huitième (Raymond Queneau), en dehors de l’ordre adopté : contrairement aux premiers, Réda l’a connu trop tard pour que des liens d’amitié se créent. De ces écrivains réunis, seul Gaspar (1925-2019) appartient à sa génération ; tous se rencontraient régulièrement et sont « appréciés tant comme poètes qu’en tant qu’hommes » par Jacques Réda.

 

Très tôt dans sa vie d’écrivain, Réda a publié des notes critiques ; on pense au Premier livre des reconnaissances (1985), en vers (avec notamment Follain, Perros, Armand Robin), livre maintenant dans un ensemble dont la dernière pièce a été donnée en 2021 (Quart livre des reconnaissances), on pense aussi à son Ferveurs de Borges (1988) et à son activité de chroniqueur de jazz pour Jazz magazine (1). On n’oublie pas qu’il a souvent précisé ce qu’était dans sa pratique le vers et la poésie, depuis Celle qui vient à pas légers (1985) jusqu’aux échanges avec Alexandre Prieux, dans l’Entretien avec Monsieur Texte (2020). La part de chaque écrivain retenu dans ce livre est différente, Réda reprend des recensions ou un texte lu en public, l’ensemble ayant été revu, corrigé et, si besoin était, augmenté.

 

Les liens d’amitié expliquent que Réda mêle les réflexions à propos des livres et les portraits de leurs auteurs ; son art de la digression le conduit à en introduire d’autres, par exemple celui de Pierre Seghers qui, éditeur, avait publié son premier ensemble de proses dans sa collection à compte d’auteur "Poésie 52". Lisant un livre de Follain, une autre digression lui fait percevoir un poème comme un idéogramme « ouvrant dans la multitude des choses et des mots une sorte de perspective ouvragée sur l’’immensité de son paysage » ; de là, glissement et discussion sur Dieu et le monde pour conclure que « l’homme n’est plus qu’une chose parmi les choses », puis retour au livre. Ces digressions sont partie prenante de la manière de lire de Réda, tout comme les brefs récits de rencontre avec tel ou tel écrivain devenu un ami proche avec le temps, c’est dire qu’un livre n’est pas un objet détaché de celui qui l’a écrit ou de ce que l’on a appris du monde, ce dont la recension tient compte.

Ainsi la lecture de Chef-lieu de Follain se développe en se référant à ce que l’on connaît (ou prétend connaître) de la relation entre les mots et les chose ; dans l’enfance,

 

La perception pure des choses n’a pas encore été troublée par le sentiment de l’énigme de leur présence et les explications que l’on reçoit : elles sont là et ne font qu’acquérir un surcroît de réalité quand nous apprenons à les nommer, de sorte que les mots qui les désignent sont la chose même et le resteront avec le regard de Follain. 

 

Décalage pour le lecteur entre la lecture critique et les échappées vers d’autres sujets ? Réda s’en amuse, « Je m’excuse de ces considérations que je n’aurais pas osé exposer en présence de Follain et Frénaud. Dans un autre article, il revendique ces sorties de route, « Je reviendrai peut-être tout à l’heure (peut-être : je ne suis pas un commentateur très cohérent) ».

 

Ses lectures ont un point commun, il se préoccupe toujours du rythme. Frénaud : « il engendre, hors de toute référence par le fourmillement ou l’allitération de ses timbres, le déboité de ses cadences, le refus de la mélodie au profit de l’allure plus souple et plus austère du récitatif » ; Grosjean : « diversité dans la prosodie des vers ». Dans le préambule, Réda relève que les chansons ont conservé « vers rimé et mesuré », ce qui est retrouver quelque chose des origines de la poésie, les liens entre rythme et mélodie étant alors étroits. Liens abandonnés, selon Réda, par la poésie d’aujourd’hui fustigée, « Il y a (...) depuis pas mal d’années une telle prostitution de ce que ses souteneurs appellent « la poésie » que je me refuse à situer les poèmes de Grosjean par rapport à ce trottoir ». On ne peut être plus clair. Réda, depuis longtemps, voit dans l’abandon progressif du vers régulier une marque, « un symptôme de l’affaiblissement de [notre langue] ». S’ajoutent des usages aberrants de l’anglais, quand rien ne semble justifier.

 

Déclin ou non de la langue, le débat est loin d’être clos. Pour la poésie, Réda ne s’embarrasse pas de précautions et, lecteur pendant des décennies aux éditions Gallimard, il relève que la poésie actuelle oscille « entre une dégénérescence du syllabisme et une prose indigente mise en morceaux sans nécessité prosodique » — c’est sans aucun doute une affirmation à laquelle il est difficile de ne pas souscrire. On discuterait son refus du marché de la poésie, même si l’on apprécie son humour ; la poésie ? « on lui a voué un mois, comme à la Vierge Marie » et « dans une saine politique consumériste, un marché ». Réda n’a jamais mâché ses mots dans une société où c’est le consensus qui prime, on peut refuser de le suivre — encore faut-il argumenter.

 

 

1) Parmi les livres à propos du jazz :  L’Improviste, une lecture du jazz, Gallimard, coll. « Le Chemin » (1980), Jouer le jeu (L’Improviste II), id., 1985, Le Grand Orchestre, (Sur Duke Ellington), Gallimard, coll. « L’un et l’autre », 2011.

 

 

 

 

 

.

 

Jacques Réda, Mes sept familles, collection Théodore Balmoral, fario, 2022, 200 p., 19 €.

 

Joue-t-on encore au jeu des sept familles ? Le jeu a pour but de rassembler le plus de fois possible six cartes dont les figures forment une des sept familles — le grand-père, la grand-mère, le père, la mère, le fils, la fille —, c’est-à-dire un groupe homogène. Retenons qu’aux sept poètes retenus, qui apparaissent par ordre alphabétique, manière de ne pas en privilégier un (Jean Follain, André Frénaud, Lorand Gaspar, Jean Grosjean, Louis Guillaume, Francis Ponge, Jean Tardieu), en est ajouté un huitième (Raymond Queneau), en dehors de l’ordre adopté : contrairement aux premiers, Réda l’a connu trop tard pour que des liens d’amitié se créent. De ces écrivains réunis, seul Gaspar (1925-2019) appartient à sa génération ; tous se rencontraient régulièrement et sont « appréciés tant comme poètes qu’en tant qu’hommes » par Jacques Réda.

 

Très tôt dans sa vie d’écrivain, Réda a publié des notes critiques ; on pense au Premier livre des reconnaissances (1985), en vers (avec notamment Follain, Perros, Armand Robin), livre maintenant dans un ensemble dont la dernière pièce a été donnée en 2021 (Quart livre des reconnaissances), on pense aussi à son Ferveurs de Borges (1988) et à son activité de chroniqueur de jazz pour Jazz magazine (1). On n’oublie pas qu’il a souvent précisé ce qu’était dans sa pratique le vers et la poésie, depuis Celle qui vient à pas légers (1985) jusqu’aux échanges avec Alexandre Prieux, dans l’Entretien avec Monsieur Texte (2020). La part de chaque écrivain retenu dans ce livre est différente, Réda reprend des recensions ou un texte lu en public, l’ensemble ayant été revu, corrigé et, si besoin était, augmenté.

 

Les liens d’amitié expliquent que Réda mêle les réflexions à propos des livres et les portraits de leurs auteurs ; son art de la digression le conduit à en introduire d’autres, par exemple celui de Pierre Seghers qui, éditeur, avait publié son premier ensemble de proses dans sa collection à compte d’auteur "Poésie 52". Lisant un livre de Follain, une autre digression lui fait percevoir un poème comme un idéogramme « ouvrant dans la multitude des choses et des mots une sorte de perspective ouvragée sur l’’immensité de son paysage » ; de là, glissement et discussion sur Dieu et le monde pour conclure que « l’homme n’est plus qu’une chose parmi les choses », puis retour au livre. Ces digressions sont partie prenante de la manière de lire de Réda, tout comme les brefs récits de rencontre avec tel ou tel écrivain devenu un ami proche avec le temps, c’est dire qu’un livre n’est pas un objet détaché de celui qui l’a écrit ou de ce que l’on a appris du monde, ce dont la recension tient compte.

Ainsi la lecture de Chef-lieu de Follain se développe en se référant à ce que l’on connaît (ou prétend connaître) de la relation entre les mots et les chose ; dans l’enfance,

 

La perception pure des choses n’a pas encore été troublée par le sentiment de l’énigme de leur présence et les explications que l’on reçoit : elles sont là et ne font qu’acquérir un surcroît de réalité quand nous apprenons à les nommer, de sorte que les mots qui les désignent sont la chose même et le resteront avec le regard de Follain. 

 

Décalage pour le lecteur entre la lecture critique et les échappées vers d’autres sujets ? Réda s’en amuse, « Je m’excuse de ces considérations que je n’aurais pas osé exposer en présence de Follain et Frénaud. Dans un autre article, il revendique ces sorties de route, « Je reviendrai peut-être tout à l’heure (peut-être : je ne suis pas un commentateur très cohérent) ».

 

Ses lectures ont un point commun, il se préoccupe toujours du rythme. Frénaud : « il engendre, hors de toute référence par le fourmillement ou l’allitération de ses timbres, le déboité de ses cadences, le refus de la mélodie au profit de l’allure plus souple et plus austère du récitatif » ; Grosjean : « diversité dans la prosodie des vers ». Dans le préambule, Réda relève que les chansons ont conservé « vers rimé et mesuré », ce qui est retrouver quelque chose des origines de la poésie, les liens entre rythme et mélodie étant alors étroits. Liens abandonnés, selon Réda, par la poésie d’aujourd’hui fustigée, « Il y a (...) depuis pas mal d’années une telle prostitution de ce que ses souteneurs appellent « la poésie » que je me refuse à situer les poèmes de Grosjean par rapport à ce trottoir ». On ne peut être plus clair. Réda, depuis longtemps, voit dans l’abandon progressif du vers régulier une marque, « un symptôme de l’affaiblissement de [notre langue] ». S’ajoutent des usages aberrants de l’anglais, quand rien ne semble justifier.

 

Déclin ou non de la langue, le débat est loin d’être clos. Pour la poésie, Réda ne s’embarrasse pas de précautions et, lecteur pendant des décennies aux éditions Gallimard, il relève que la poésie actuelle oscille « entre une dégénérescence du syllabisme et une prose indigente mise en morceaux sans nécessité prosodique » — c’est sans aucun doute une affirmation à laquelle il est difficile de ne pas souscrire. On discuterait son refus du marché de la poésie, même si l’on apprécie son humour ; la poésie ? « on lui a voué un mois, comme à la Vierge Marie » et « dans une saine politique consumériste,

Lire la suite

06/03/2023 | Lien permanent

Andrea Zanzotto, Idiome

 

Unknown-1.jpeg

 

                Écoutant depuis le pré

 

Sur la touche, le doigt anéanti insiste

sur une note toujours ratée

et pourtant inhumainement juste

       au-delà de tout exemple réussie

Une note, jusqu’à ce que sang soit le doigt,

puis, il s’estropie, en un mouvement

       de trille raté

au-delà de tout exemple

néanmoins reréussi

Rayonnant depuis toute chose, une offre infinie

parvient sur cette note, sur ce doigt

énervé, et d’ailleurs depuis longtemps anéanti,

qui veut la prendre en charge, donner crédit

       à une partition universelle possible,

déverser d’une bande enregistrée

dans une autre

non moins mythique instrument

une adresse ou une déclaration d'expéditeur

insistante comme bec de pic-vert,

c’est sur ce doigt que tape l’offre,

       sienne-unique, de rien-du-tout, qui n’allèche rien,

       et, toujours creusant sur cette touche,

       et toujours la ratant, dans la déserte

réalité, qui par ailleurs s’affine comme matin,

son obstination contre tout pourquoi,

son inépuisable ni existible pour qui, pour quoi,

       ajuste, devine

 

 

Andrea Zanzotto, Idiome, traduction de l’italien, du dialecte haut-trévisan

(Vénétie)  et préface par Philippe Di Meo, José Corti, 2006, p. 36 et 37.

 

 

Lire la suite

16/11/2012 | Lien permanent

Vittorio Sereni, Étoile variable

vittorrio sereni,Étoile variable,rimbaud

 

Rimbaud

écrit sur un mur

 

 

Vienne un instant la morsure de son nom

la goutte qui exsude de son nom

écrit en lettres claires sur un mur brûlant.

 

Puis il me haïrait

l'homme au semelles de vent

pour y avoir cru.

 

Mais l'ombre renard ou rat qu'importe

habituée des mastabas

qui sans lien file dans notre regard

nous ignorant dans le jour qui décline...

 

Toi aussi tu l'as pensé.

 

Disparu. Faufilé dans sa maison

de cailloux de sable qui s'éboule

quand le désert recommence à vivre

il nous lance à nouveau ce nom en un long frisson.

 

Louxor, 1979

 

 

Rimbaud

scritto su un muro

 

Venga per un momento la fitta del suo nome

la goccia stillante dal suo nome

stilato in littere chiare su quel muro rovente.

 

Poi mi odierebbe

l'uomo dalle suole di vento

per averci creduto.

 

Ma l'ombra volpe o topo che sia

frequentatrice di mastabe

sfrecciante via del nostro sguardo

irrelata ignorandoci nella luce calante...

 

Anche tu l'hai pensato.

 

Sparito. Sgusciato nella sua casa

di sassi di sabbia franante

quando il deserto ricomincia a vivere

ci rilancia quel nome in un lungo brivido.

 

Luxor, 1979

 

Vittorio Sereni, Étoile variable [Stella variabile], éditon bilingue, traduit de l'italien par Philippe Renard et Bernard Simeone, préface de Franco Fortini, 1987, p. 163 et 162.

 

 

 

 

Lire la suite

27/01/2012 | Lien permanent

Page : 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17